publiée dans le JO Sénat du 16/03/2000 – page 911
M. Jean-Michel Baylet attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les violations et les exactions quotidiennes subies par les journalistes occidentaux en Tchétchénie. Le cas du photographe toulousain Brice Fleutiaux, détenu depuis octobre 1999, sans que l’on ait pu obtenir des précisions sur son état de santé ni sur l’identité réelle de ses geôliers, témoigne du refus manifeste des Russes à vouloir garantir la liberté d’expression. Son cas n’est malheureusement par isolé. Rares sont les correspondants de presse occidentaux qui n’aient été confrontés à une censure qui s’apparente, par bien des aspects, à celle pratiquée par les Services soviétiques. La situation apparaît d’autant plus grave que le gouvernement russe a attaqué avec véhémence les journaux français, les accusant de se livrer à une campagne de désinformation contre la Russie. Les témoignages de plus en plus concordants sur l’ampleur des massacres de civils et l’existence de camps de filtration prouvent le rôle prépondérant des médias dans la campagne de sensibilisation de l’opinion publique sur ce qui se passe réellement en Tchétchénie. Une mobilisation de grande envergure a été engagée afin que le cas du jeune toulousain ne soit pas oublié et que ses proches puissent encore garder l’espoir d’une libération prochaine. Il lui demande quelles propositions concrètes la diplomatie française entend elle mettre en oeuvre, au sein du Conseil de l’Europe ou de manière bilatérale, pour rassurer les citoyens sur l’efficacité de l’action diplomatique des Quinze en faveur du respect des valeurs qui fondent l’espace démocratique européen.
Réponse du ministère : Affaires étrangères
publiée dans le JO Sénat du 11/05/2000 – page 1679
Réponse : – La situation de notre compatriote, M. Brice Fleutiaux, photographe pris en otage en Tchétchénie en octobre dernier, est au centre des préoccupations des autorités françaises. Tous les services concernés de l’Etat sont actuellement mobilisés sur cette affaire qu’ils suivent avec la plus grande attention depuis son origine. Notre ambassade à Moscou en particulier est en relation permanente avec les autorités russes en vue d’obtenir la libération de M. Fleutiaux. Le ministère des affaires étrangères est par ailleurs en relation régulière avec son épouse et sa mère pour les informer au mieux de l’évolution de la situation. Bien entendu, notre très vive préoccupation concernant M. Fleutiaux est évoquée avec les responsables russes en toutes occasions, qu’elles soient bilatérales ou multilatérales ; elle l’est à tous les niveaux et notamment avec les plus hautes autorités de l’Etat russe. S’agissant plus généralement de la crise tchétchène, la France n’a cessé d’exprimer sa très vive préoccupation face aux conséquences humaines dramatiques entraînées par les opérations en cours. Elle a dit sans relâche, de la façon la plus nette, que la Russie se fourvoyait dans la recherche d’une solution militaire. La France a mobilisé ses partenaires en ce sens dans les enceintes multilatérales, depuis le sommet de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à Istanbul les 18 et 19 novembre, au Conseil européen d’Helsinki, les 10 et 11 décembre, et de Lisbonne, le 30 mars, lors des réunions entre l’Union européenne et la Russie, à Lisbonne et tout dernièrement à Luxembourg les 10 et 11 avril. Le ministre des affaires étrangères a renouvelé ce message à Moscou le 4 février. La Tchétchénie a été au centre de ses entretiens avec M. Poutine, alors président par intérim de la Fédération de Russie, et son homologue russe, M. Ivanov. La question a été à nouveau abordée au cours d’entretiens bilatéraux entre le ministre et M. Ivanov, à Lisbonne et plus récemment à Luxembourg. Dans toutes ces occasions, le ministre a réitéré la position de la France, dont la fermeté, la constance et la clarté n’ont pas manqué d’être relevées. La France reconnaît, comme au demeurant l’ensemble de ses partenaires, l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie et elle ne conteste pas le droit légitime d’un Etat à lutter contre le terrorisme. Mais il est plus que temps pour Moscou de dessiner le cadre d’une solution politique, seule à même de résoudre durablement la question tchétchène. Il incombe également au Gouvernement russe de mettre fin à l’usage indiscriminé de la force ; de permettre un accès large et sans entrave aux organisations humanitaires ; de mettre en place, conformément aux normes internationales reconnues, une commission d’enquête, large et indépendante, sur tous les cas de violation des droits de l’homme ; d’assurer une présence internationale dans la région, en permettant aux organisations internationales compétentes et à des observateurs d’exercer leur mission librement. A cet égard, l’importance de la liberté d’information et des médias a été constamment soulignée. S’exprimant après l’élection de M. Vladimir Poutine à la présidence de la Fédération de Russie le 26 mars dernier, le ministre des affaires étrangères a souligné les très larges attentes qui allaient vers M. Poutine : l’espérance que le nouveau président s’engage hardiment dans la création d’un grand pays moderne, avec tout ce que cela suppose sur le plan économique, social et politique et sur le plan de l’Etat de droit ; et notre attente que M. Poutine aborde autrement la question tchétchène, qu’il prenne des initiatives pour résoudre politiquement la situation en Tchétchénie. La France a la volonté de développer une relation de long terme avec la Russie, qui est un partenaire essentiel en Europe. C’est parce qu’elle attache une importance particulière à la consolidation d’un véritable processus démocratique en Russie que la France ne peut rester silencieuse face à la situation en Tchétchénie.
11e législature