Les forces armées russes conduisent aujourd’hui une opération antiterroriste sur le territoire de la Tchétchénie, une composante de la Russie qui est devenue un bastion du terrorisme, qui menace les intérêts de la sécurité et l’intégrité territoriale de notre pays.

L’objectif de cette campagne, à laquelle se sont finalement décidés les dirigeants du pays en recourant aux forces armées, n’est pas de « mater des rebelles » en prévision des élections. Cet acte de Moscou est l’accomplissement de l’obligation première de n’importe quel pouvoir légitime, qui consiste à défendre la population du pays contre les incursions de combattants, à mettre hors d’état de nuire les formations armées illégales, leurs bases et leurs moyens de subsistance, à préserver l’intégrité du territoire.

Un nid de banditisme

Car la Tchétchénie s’était muée de fait, ces dernières années, en une formation autonome, sans aucun respect de la légalité, des droits des citoyens et de l’ordre.

C’est une enclave qui s’était formée, soumise uniquement aux chefs des formations criminelles locales qui collectaient, chacun dans son fief, un tribut auprès de la population.

L’existence de ce nid de banditisme a suscité et suscite toujours de fortes inquiétudes dans les Républiques et les régions de la Russie limitrophes de la Tchétchénie. Sans cesse, des tentatives de déstabilisation sont lancées à partir de ce territoire, en jouant la carte du nationalisme extrémiste, du séparatisme et de la haine religieuse dans le Caucase septentrional, au nom de l’islam. La politique de cette enclave a connu son apogée avec le raid armé lancé contre le Daguestan, au mois d’août dernier, sous le paravent des bannières de l’islam, puis avec la série d’attentats commis en Russie, à Moscou notamment.

On a établi et on renforce maintenant une zone de sécurité d’une profondeur suffisante le long des frontières administratives qui séparent la Tchétchénie des autres sujets de la Fédération, là où la menace est particulièrement grande pour ses voisins. Le dispositif des troupes fédérales qui a été déployé ici est capable, avec les moyens dont il dispose et sa puissance de feu, de tenir en échec toute action terroriste lancée à partir de secteurs éloignés de la Tchétchénie.

Les autorités locales ont décrété la loi martiale sur le territoire de la Tchétchénie, en violation de la Constitution de la Russie. Par là même, Grozny se solidarise de fait avec les combattants. Tout en niant son implication dans les actes terroristes perpétrés dans les villes russes, le président Aslan Maskhadov ne fait rien pour en finir vraiment avec les bases et les camps d’entraînement des formations illégales.

Duplicité de Grozny

Son dernier appel aux dirigeants russes, pour qu’ils suspendent les bombardements et les tirs d’artillerie et s’assoient à une table de négociations, ne fait qu’encourager les combattants. Maskhadov est placé aujourd’hui face à un dilemme : ou bien les autorités de Grozny prennent résolument leurs distances avec les combattants et s’engagent dans des actions conjointes avec Moscou, ou bien ils signent eux-mêmes leur condamnation. Si le bon sens et la conscience de leurs responsabilités vis-à-vis du peuple l’emportaient chez les autorités de Grozny, elles pourraient devenir nos alliés.

Mais il est exclu, dans tous les cas, de négocier avec les chefs des formations criminelles qui ont du sang sur les mains. Car l’erreur que Moscou a commise antérieurement, c’est d’avoir voulu en quelque sorte amadouer les terroristes, négocier avec eux.

Nous n’avons jamais, d’ailleurs, confondu les terroristes et tout un peuple. Moi qui ai longtemps séjourné, autrefois, en Tchétchénie, je connais personnellement bien des Tchétchènes et je suis tout à fait en droit d’affirmer que le sort réservé à la population civile est celui d’otage des combattants.

Il existe heureusement des forces saines, en Tchétchénie, mais elles sont bâillonnées par les bandits qui ont établi leur dictature, et qui n’hésitent pas à éliminer physiquement les opposants. Selon nos informations, cette méthode de gouvernement commence à connaître des ratés. La mobilisation générale a été proclamée, mais l’écrasante majorité de la population ne veut pas rejoindre les soi-disant forces armées de l’Itchkérie. Nous savons que des gens ont été fusillés pour avoir refusé d’intégrer les formations criminelles.

La communauté internationale

Nous ne réduisons pas cette opération à un recours exclusif à la force. Elle suppose un ensemble de mesures d’ordre économique et social, psychologique, diplomatique et autres, qui prendront un certain temps. Avec l’achèvement de cette opération, il sera mis fin aux raids des formations illégales, à la pénétration en Tchétchénie de nouveaux mercenaires venus d’ailleurs, à leur financement de l’extérieur et à leur approvisionnement en armes pour commettre des actes terroristes. Bref, c’en sera fini du terrorisme, ce mal implanté sur le sol tchétchène.

Nous escomptons aussi que nos opérations en Tchétchénie seront accueillies avec compréhension par la communauté internationale, par tous ceux qui ont à coeur les idéaux des droits civiques et des libertés dans leur pays.

Je pense, par exemple, que ni les autorités françaises ni le peuple lui- même n’accepteraient jamais que la Corse ou la Bretagne soient dirigées par des séparatistes en armes, des terroristes qui introduiraient leurs propres lois, des lois différentes des lois nationales. Les autorités françaises n’admettraient sans doute pas, sur leur territoire souverain, qu’agissent des combattants locaux, financés de l’étranger et rejoints par des mercenaires étrangers, comme c’est aujourd’hui le cas en Tchétchénie.

Valéri MANILOV

Le Figaro, no. 17163
lundi 18 octobre 1999, p. 14

Leave a comment