Un proche d’Eltsine accusé de financer les islamistes.

Moscou, de notre correspondante. – Vatchaguaïev Maïrbek, représentant de la Tchétchénie en Russie, explique à Libération sa vision des derniers événements .

Que pensez-vous de la revendication des attentats par l’Armée de libération du Daguestan?

Je doute de l’existence de cette armée. Cela ressemble à une tentative de Moscou de lier ces attentats à la Tchétchénie et au Daguestan. A l’approche des élections, qui a intérêt à ces explosions? Pourquoi maintenant et pourquoi à Moscou, où l’impact est le plus déstabilisateur? Qu’est-ce qui empêchait Bassaïev et Khattab (les commandants tchétchènes à la tête de la rébellion au Daguestan, accusés d’être derrière ces explosions) de commettre des attentats il y a six mois? D’après moi, les services secrets russes sont impliqués.

Vous dites cela, mais vous n’avez pas de preuve.

Pas plus que les Russes n’ont de preuve de l’implication des Tchétchènes. Le Premier ministre Vladimir Poutine dit que les exécutants se cachent en Tchétchénie. Qu’on nous donne leurs noms et on les extrade. Nous avons toujours été contre des attentats visant des innocents. Le ministère de l’Intérieur veut imposer l’idée que les Tchétchènes sont responsables. Et il a gagné. Tous les Russes en sont persuadés. J’étais à une conférence de presse hier, les journalistes étaient haineux. La chasse aux Tchétchènes à Moscou ressemble à des pogroms. Moi-même, je m’attends un jour à être arrêté.

Dans quel but tout cela aurait-il été organisé?

Le camp présidentiel a essuyé une cuisante défaite avec la formation du bloc électoral Loujkov-Primakov (le maire de Moscou et l’ex-Premier ministre). Il peut s’attendre à un fiasco aux prochaines élections. Il voudrait les annuler. Avec tous ces attentats, il n’est même pas nécessaire de décréter l’état d’urgence.

Poutine a lancé un ultimatum à Maskhadov (président tchétchène) pour qu’il livre les chefs islamistes.

C’est du populisme. Poutine sait que Maskhadov ne répondra pas à un ultimatum. La Russie est mal partie avec ce Premier ministre-là. Il est sans visage. Alors, il fait des déclarations fortes. Il parle de victoire au Daguestan. Quelle victoire? Les islamistes attaquent, partent et reviennent quand ils veulent. Les militaires russes n’ont tiré aucune leçon de la guerre en Tchétchénie. La Russie ne contrôle pas le Caucase.

Faut-il s’attendre à une nouvelle guerre en Tchétchénie?

Les Russes ont déjà commencé les hostilités. Ils bombardent nos villages et ont déjà fait des dizaines de morts. Maintenant, on observe des concentrations de troupes. Ils préparent une intervention terrestre.

Pourquoi Maskhadov n’a-t-il rien fait pour empêcher l’invasion du Daguestan depuis la Tchétchénie?

Cela fait trois ans qu’il essaie de contenir Bassaïev (son ex-camarade de combat passé à l’opposition). Il en a eu assez. En Tchétchénie, ses opposants l’accusent d’être prorusse. En Russie, Moscou dit qu’il ne contrôle rien.

Un quotidien a publié le prétendu script d’une conversation téléphonique entre Boris Berezovski (milliardaire proche du Kremlin) et des Tchétchènes, tendant à prouver qu’il aurait financé les rebelles du Daguestan. Vous y croyez?

Ce n’est un secret pour personne que Berezovski finance Bassaïev à coup de dizaines de millions de dollars. Il a des intérêts dans le pétrole et dans les pipelines de la région, qu’il veut défendre.

Si Maskhadov contrôle son territoire, pourquoi y a-t-il tant d’enlèvements?

C’est la tragédie numéro 1 de la Tchétchénie. Nous venons de fusiller 17 preneurs d’otages. Les Russes affirment libérer des otages lors d’opérations mais ils refusent de nous donner des informations. En fait, ils paient 2 à 3 millions de dollars par otage et financent ainsi ces groupes armés.

SOULE Véronique

Libération
MONDE, vendredi 17 septembre 1999, p. 8

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