APRES L’ENLEVEMENT DU GENERAL GUENNADI CHPIGOUN, VENDREDI 5 MARS 1999.

MOSCOU DE NOTRE CORRESPONDANT – Le Conseil de sécurité, organe dépendant directement du président Boris Eltsine, devrait se réunir en urgence prochainement pour examiner les mesures de représailles qu’entend prendre la Russie à l’encontre de la Tchétchénie. Moscou réagit avec une inhabituelle fermeté à l’enlèvement, vendredi 5 mars sur l’aéroport de Grozny – la capitale tchétchène -, du représentant du ministère de l’intérieur russe en Tchétchénie, le général Guennadi Chpigoun.

“La Russie a épuisé sa patience face à l’aggravation de la criminalité” en Tchétchénie, a déclaré, dimanche soir dans un communiqué, le ministre de l’intérieur, Sergueï Stépachine. Après avoir adressé un ultimatum aux ravisseurs, qui a expiré lundi soir, les troupes du ministère de l’intérieur basées aux frontières de la Tchétchénie ont été placées en état d’alerte. Tous les représentants de Moscou installés à Grozny ont été évacués. “Pour la première fois depuis des années, nous avons décidé de prendre un ensemble de mesures à caractère opérationnel”, a déclaré le ministre de l’intérieur. Mais “ce ne seront pas des chars, ce ne seront pas des jeunes de dix-huit ans”, a-t-il ajouté .

Devant le Conseil de sécurité, M. Stépachine devrait également défendre la suspension des “liaisons aériennes et ferroviaires” avec la Tchétchénie, l’ “interruption des opérations financières et des aides économiques”, et la limitation des fournitures d’énergie. En plus de ce blocus économique, le ministre se dit déterminé “à détruire les bases des groupes criminels” en Russie comme en Tchétchénie.

120 OTAGES

Moscou n’avait pas montré une telle fermeté lors de précédentes actions contre ses représentants. Ainsi, le 1er mai 1998, l’envoyé spécial de Boris Eltsine, Valentin Vlassov, a été enlevé puis détenu pendant six mois. En septembre, un autre représentant du pouvoir russe, Akmal Saïdov, a été retrouvé mort quelques jours après son enlèvement.

Cette fois, le ministre de l’intérieur russe a accusé Chamil Bassaïev, ancien premier ministre devenu principal opposant au président tchétchène, Aslan Maskhadov, d’avoir organisé l’enlèvement du général Chpigoun. D’autres sources russes, citées par l’agence Interfax, mettent en cause les services de sécurité du gouvernement de Grozny, notant que les conditions de ce rapt nécessitaient leur participation. Un groupe d’une demi-douzaine d’hommes a en effet pu passer les contrôles de sécurité de l’aéroport, s’emparer de l’avion, enlever le général puis disparaître dans la ville, sans réaction des forces de sécurité.

M. Bassaïev a démenti toute participation à cet enlèvement, préférant y voir une nouvelle provocation des “services spéciaux russes”. Le président tchétchène a accusé les “politiciens russes” d’avoir organisé ce rapt. “La situation en Tchétchénie est le produit des contacts entretenus par des politiciens russes, en premier lieu Boris Berezovski, avec les traîtres et les criminels”, a-t-il ajouté, dénonçant le “paiement de rançons” aux ravisseurs.

Les négociations sur le futur statut de la Tchétchénie sont au point mort depuis la fin de la guerre, en août 1996. Environ cent vingt personnes sont actuellement retenues en otage dans la république indépendantiste.

BONNET FRANCOIS

Le Monde
mercredi 10 mars 1999, p. 4

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