Pour Eltsine, qui, cette fois, ne se cache plus derrière sa maladie, la situation est plus confortable, puisqu’il envoie au feu son subordonné, en gardant la possibilité de le désavouer si les négociations tournent à son désavantage. Car, déjà, les premières réactions de l’opinion à l’accord de cessez-le-feu signé jeudi en Tchétchénie par le général Lebed et le chef d’état-major tchétchène Aslan Maskhadov sont très réservées. Les principaux quotidiens du pays n’hésitaient pas à parler de “capitulation” de la Russie. Pour le quotidien Moskovski Komsomolets, il s’agit “de la plus grosse défaite russe après deux ans de guerre”. Le très sérieux Izvestia laissait percer le même sentiment. “Les forces russes sont entrées en Tchétchénie comme sur leur propre terre, mais j’ai peur qu’elles soient obligées de la quitter comme une terre étrangère”, écrivait hier son commentateur.
Les remontrances d’Eltsine au bouillant général pourraient révéler une profonde divergence politique entre les deux hommes, qui s’est déjà manifestée la semaine dernière quand il lui a ordonné de rétablir l’ordre à Grozny. “Je crains, a souligné le défenseur des droits de l’homme Sergueï Kovalev, qu’elles ne soient causées par son mécontentement de voir l’affaire évoluer vers l’indépendance de la Tchétchénie, alors que le Président a répété à maintes reprises qu’elle est et sera partie intégrante de la Russie.” Alors que l’accord signé jeudi par Lebed revient à reconnaître la légitimité des indépendantistes.
Dans la petite république caucasienne, le nouveau cessez-le-feu est entré hier en vigueur à midi, et paraissait globalement respecté. Le détail des accords n’était toujours pas publié si ce n’est que la cessation des hostilités ne concerne pas seulement Grozny, mais toute la Tchétchénie. Dans la capitale, l’ordre sera assuré par des patrouilles de police russo- indépendantistes tandis que toutes les forces militaires ont reçu l’ordre de quitter la ville avant lundi. Les modalités de cet accord étaient hier en discussion au niveau des commandants russe et tchétchène.
DESPIC-POPOVIC Hélène
Libération
MONDE, samedi 24 août 1996, p. 10