Le 2 août, le président tchétchène Djokhar Doudaev avait notamment signé un décret créant « une armée régulière de la République de Tchétchénie » non soumise aux accords, selon lui. De leur côté, les Tchétchènes dénoncent diverses provocations, notamment de la part des militaires russes, qui n’ont jamais cru aux négociations. Ainsi le massacre d’une famille tchétchène en juillet, qui avait failli faire dérailler les pourparlers, aurait bien été l’oeuvre des militaires russes, selon de récentes révélations du responsable officiel de l’enquête.
ENCERCLEMENTS
Moscou profère donc des menaces, mais, à en croire la presse, l’armée russe se trouve, aujourd’hui, dans une situation de faiblesse en Tchétchénie. Signe de l’impuissance des forces russes, Chamil Bassaev, auteur de la prise d’otages sanglante de Boudennovsk en juin, recherché depuis par toutes les polices de Russie, a tenu un meeting public, samedi, devant des milliers de Tchétchènes, à moins de 40 kilomètres au sud-ouest de Grozny. Repoussés dans les montagnes par l’offensive russe, les combattants indépendantistes semblent avoir profité de la trêve pour réinvestir massivement les plaines et les villes.
Prédisant « le calme avant la tempête », L’Etoile rouge, le quotidien de l’armée russe, décrit « les cavalcades des camions pleins de militants de Doudaev se déversant des montagnes dans les plaines de Tchétchénie ». Selon le général Alexandre Naoumov, commandant de l’armée russe sur place, les combattants indépendantistes ont repris la plupart des villes et des villages. « Les indépendantistes ont brisé leur encerclement et ont, en fait, encerclé les troupes russes », affirme le quotidien Moskovski Komsomolets. « Les forces tchétchènes, poursuit le journal, sont dans une situation plus favorable qu’en décembre 1994 », date de l’intervention russe.
Après avoir conquis le terrain au prix de lourdes pertes, l’armée russe est prise au piège. Le député Stanislav Govoroukhine estime que « si la guerre recommence, il faudra de nouveau envahir la Tchétchénie ». « Mais, ajoute-t-il, c’est impossible car l’armée est dans un état désespéré. » La situation politique n’est guère plus favorable à Moscou. « Que les militants tchétchènes tirent la nuit sur les points de contrôle russes était un fait acquis. Mais ce sont, désormais, les civils qui jettent des pierres sur les barrages russes », écrit le quotidien Sevodnia. Selon ce journal, le chef du gouvernement tchétchène « pro-russe », Salambek Khadjiev, a même voulu, début août, rejoindre l’équipe des indépendantistes pour les négociations politiques toujours en suspens. « Sur la question de la souveraineté, je n’ai pas de divergence d’opinion avec les représentants de Doudaev », aurait-il déclaré. Partisans et adversaires de Doudaev semblent donc amorcer un rapprochement sur le dos de Moscou. Samedi, pro et anti-Doudaev ont ainsi participé au meeting de Chamil Bassaev.
Misant sur les divisions entre indépendantistes, Moscou soutient le chef militaire tchétchène, Aslan Maskhadov, contre l’intransigeant président Doudaev, non sans le soupçonner de jouer un double jeu.
JEAN-BAPTISTE NAUDET