Les dissensions réelles ou feintes s’exacerbent dans les deux camps au fur et à mesure que Russes et Tchétchènes approchent du moment d’appliquer le point crucial de l’accord militaire signé le week-end dernier et qui prévoit un retrait des forces russes accompagné d’un désarmement des Tchétchènes, de façon progressive, simultanée et partielle. Le chef de la délégation tchétchène aux négociations, Ousman Imaev, a ainsi annoncé, mardi 1er août, qu’il avait été limogé par Djokhar Doudaev, à la suite d’une entrevue « très émotionnelle » dans les montagnes où se cache le président tchétchène. Ce dernier avait, dès dimanche, rejeté la mouture finale de l’accord, estimant que celui-ci trahissait les intérêts tchétchènes, alors qu’il avait, deux jours auparavant, apposé lui-même sa signature sur un texte similaire. A l’instar des Russes, ses lieutenants aux négociations n’en affirment pas moins que l’accord reste en vigueur, tout en prenant soin de marquer leur fidélité au président élu par les Tchétchènes en 1991. Car, plus les Russes soulignent que ce dernier est « isolé et ne représente plus les aspirations des Tchétchènes », plus ces derniers se sentent obligés de faire bloc autour de son nom.

LIBÉRATION DES DÉTENUS

Interrogé par la télévision russe NTV, Ousman Imaev, qui fut toujours un inconditionnel de son imprévisible président, a indiqué qu’il va désormais se consacrer, « comme simple citoyen », à convaincre les Tchétchènes de l’importance de l’accord qu’il a signé avec les Russes. Son partenaire durant les négociations, le chef d’état-major tchétchène Aslan Maskhadov, a affirmé, de son côté, que Djokhar Doudaev n’avait pas désavoué l’accord signé, même si « certains points mineurs » ne lui plaisent pas, mettant son revirement au compte de son tempérament. Aslan Maskhadov a d’ailleurs entrepris, mardi à Grozny, de préparer, conjointement avec les militaires russes, la libération conjointe de tous les détenus, dont le début est annoncé comme imminent.

Pourtant, même ces libérations se heurtent à des obstacles « de dernière minute ». Des soldats russes sont détenus par des commandants tchétchènes hostiles à l’accord. L’un de ces derniers, compagnon de Chamil Bassaev (l’organisateur de la prise d’otages de Boudennovsk), est revenu avec ses hommes dans la ville de Chali, au pied des montagnes. Il proposerait un autre plan supposé avoir l’accord de Djokhar Doudaev et prévoyant une partition de la Tchétchénie, dont les indépendantistes abandonneraient la partie nord. Un tel plan, aussi difficile à réaliser que tout autre, a été souvent avancé à Moscou. Il refait surface aujourd’hui dans la bouche d’opposants au promoteur des négociations du côté russe, le premier ministre, Viktor Tchernomyrdine. Et le nombre de ces opposants, dans l’entourage même de Boris Eltsine, ne ferait qu’augmenter à l’approche des élections législatives.

SOPHIE SHIHAB

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