Les négociations russo-tchétchènes, entamées il y a un mois, ont repris, jeudi 20 juillet, à Grozny, après une nouvelle interruption qui avait fait craindre un échec et une reprise de la guerre ouverte. Les troupes russes ont, en effet, intensifié dans l’intervalle leurs tirs d’artillerie contre certains réduits indépendantistes dans les montagnes du Sud. Ces troupes continuent elles-mêmes à subir des pertes, estimées, officiellement, à une cinquantaine de morts du côté russe en un mois de « trêve ». Et la Tchétchénie dans son ensemble échappe clairement à tout contrôle réel des Russes ou du gouvernement tchétchène installé par Moscou. Au point que celui-ci reconnaît qu’en cas d’élections, ses hommes feraient piètre figure face à ceux du président indépendantiste Djokhar Doudaev.

Dans ces conditions, la défaite politique de Moscou semble évidente, ce qui conduit à l’impasse sa victoire militaire, elle-même relative : malgré tous les efforts des dirigeants russes pour affirmer le contraire, c’est bien la prise d’otages de Boudennovsk, en juin le premier acte « terroriste » tchétchène en Russie , qui a amené le Kremlin à engager des négociations de paix. « CONCILIER L’INCONCILIABLE »

Jusqu’à présent, la partie tchétchène n’a pratiquement rien cédé de plus qu’en décembre 1994, lors des négociations tenues à la veille de l’entrée des troupes russes : le principe d’un désarmement avait été alors accepté par les Tchétchènes et Djokhar Doudaev reconnaissait déjà que l’indépendance était un concept « relatif ». Moscou n’a guère avancé, après sept mois de massacres et de destructions qui ont exacerbé les sentiments anti-russes des Tchétchènes. Signe de cette évolution : des représentants du gouvernement tchétchène installé par Moscou, qui critiquent de plus en plus la politique russe, ont rencontré, mardi 18 juillet, à huis clos, la délégation tchétchène indépendantiste. Le but déclaré étant de confirmer les engagements à renoncer à toute vengeance inter-tchétchène et de préparer une délégation commune qui signerait un document avec Moscou.

On n’en est pas là, même si la délégation russe affirme espérer signer « dans les jours qui viennent » un document de quatre pages dont quatre lignes font problème : celles qui doivent « concilier l’inconciliable », selon les termes d’un délégué tchétchène, c’est-à-dire réunir les principes de « l’intégrité territoriale de la Russie et du droit tchétchène à l’autodétermination ». Mais un représentant tchétchène a accusé la délégation russe d’avoir durci son attitude après son voyage à Moscou, durant lequel son chef a rencontré Boris Eltsine à l’hôpital.

Si l’on ne peut que supposer qu’il existe des divergences parmi les indépendantistes tchétchènes, celles qui déchirent la partie russe éclatent au grand jour. Un de ses négociateurs, Arkady Volsky, a ouvertement dénoncé, lundi 17 juillet, des pressions « venues de Moscou » pour mettre fin aux négociations. Il n’a pas cité de noms mais a précisé qu’elles ne viennent pas tant des militaires que d’obscurs « centres d’analyse » présidentiels. C’est-à-dire de ceux que dirigent les « ombres damnées » du Kremlin, les généraux Korjakov et Barsoukov.

Ce dernier est largement crédité de bonnes chances pour succéder à Sergueï Stepachine, l’ancien chef du FSB (ex-KGB), renvoyé il y a trois semaines dans la foulée de la prise d’otages. Un oukaze en ce sens a été signé, annoncait même, mercredi soir, l’agence officieuse Interfax. La présidence démentait le lendemain. Mais la situation au Kremlin, et donc sur le front tchétchène, reste loin d’être « stabilisée ».

SOPHIE SHIHAB

Leave a comment