Dans ces conditions, la défaite politique de Moscou semble évidente, ce qui conduit à l’impasse sa victoire militaire, elle-même relative : malgré tous les efforts des dirigeants russes pour affirmer le contraire, c’est bien la prise d’otages de Boudennovsk, en juin le premier acte « terroriste » tchétchène en Russie , qui a amené le Kremlin à engager des négociations de paix. « CONCILIER L’INCONCILIABLE »
Jusqu’à présent, la partie tchétchène n’a pratiquement rien cédé de plus qu’en décembre 1994, lors des négociations tenues à la veille de l’entrée des troupes russes : le principe d’un désarmement avait été alors accepté par les Tchétchènes et Djokhar Doudaev reconnaissait déjà que l’indépendance était un concept « relatif ». Moscou n’a guère avancé, après sept mois de massacres et de destructions qui ont exacerbé les sentiments anti-russes des Tchétchènes. Signe de cette évolution : des représentants du gouvernement tchétchène installé par Moscou, qui critiquent de plus en plus la politique russe, ont rencontré, mardi 18 juillet, à huis clos, la délégation tchétchène indépendantiste. Le but déclaré étant de confirmer les engagements à renoncer à toute vengeance inter-tchétchène et de préparer une délégation commune qui signerait un document avec Moscou.
On n’en est pas là, même si la délégation russe affirme espérer signer « dans les jours qui viennent » un document de quatre pages dont quatre lignes font problème : celles qui doivent « concilier l’inconciliable », selon les termes d’un délégué tchétchène, c’est-à-dire réunir les principes de « l’intégrité territoriale de la Russie et du droit tchétchène à l’autodétermination ». Mais un représentant tchétchène a accusé la délégation russe d’avoir durci son attitude après son voyage à Moscou, durant lequel son chef a rencontré Boris Eltsine à l’hôpital.
Si l’on ne peut que supposer qu’il existe des divergences parmi les indépendantistes tchétchènes, celles qui déchirent la partie russe éclatent au grand jour. Un de ses négociateurs, Arkady Volsky, a ouvertement dénoncé, lundi 17 juillet, des pressions « venues de Moscou » pour mettre fin aux négociations. Il n’a pas cité de noms mais a précisé qu’elles ne viennent pas tant des militaires que d’obscurs « centres d’analyse » présidentiels. C’est-à-dire de ceux que dirigent les « ombres damnées » du Kremlin, les généraux Korjakov et Barsoukov.
Ce dernier est largement crédité de bonnes chances pour succéder à Sergueï Stepachine, l’ancien chef du FSB (ex-KGB), renvoyé il y a trois semaines dans la foulée de la prise d’otages. Un oukaze en ce sens a été signé, annoncait même, mercredi soir, l’agence officieuse Interfax. La présidence démentait le lendemain. Mais la situation au Kremlin, et donc sur le front tchétchène, reste loin d’être « stabilisée ».
SOPHIE SHIHAB