Il aura fallu un nouveau scandale, ou plutôt une sombre farce, pour provoquer, mardi 18 juillet, une apparition publique de Boris Eltsine propre à convaincre le monde que la santé du président russe, hospitalisé depuis une semaine, s’améliore. La première chaîne télévisée a été autorisée à filmer le président, debout et l’air relativement vigoureux, dans un couloir d’hôpital, alors que le matin même le microcosme moscovite commencait à se demander si celui-ci n’était pas moribond. Il était, en effet, devenu évident qu’une photo, diffusée vendredi 14 juillet par le service de presse présidentiel comme étant prise le jour même, datait en réalité du mois d’avril. Les porte-parole présidentiels ont pourtant nié l’évidence toute la journée de mardi, au lieu de reconnaître une « erreur technique » ou un « malentendu », comme ce fut le cas lors de précédents cafouillages du même type.

Un de ces porte-parole a même déclaré que « tout simplement, le président aime beaucoup le polo, les téléphones et les rideaux » que l’on voit, identiques, sur les deux photos. Or celles-ci sont tirées, sans aucun doute possible, d’un film vidéo tourné lors d’une convalescence précédente du président à Kislovodsk, dans le Caucase, au printemps dernier. De surcroît, il fut alors diffusé par la première chaîne russe et vendu aux bureaux de télévision étrangers à Moscou, qui n’ont eu aucun mal à découvrir la supercherie. En outre, cela semble d’autant plus étrange que Boris Eltsine paraissait plus bouffi dans ce vieux film que lors de son apparition de mardi.

LA QUESTION TCHÉTCHÈNE

Au cours de celle-ci, le président a pourtant déclaré qu’il a eu, le 10 juillet, « une attaque cardiaque sur fond d’ischémie », c’est-à-dire vraisemblablement un infarctus du myocarde. Mais « les médecins s’attendent à un rétablissement complet, sans séquelles », a-t-il ajouté, affirmant même qu’il va rejouer au tennis… après un temps de convalescence à l’hôpital, puis dans une de ses résidences près de Moscou. Boris Eltsine s’exprimait sans difficultés autres qu’une respiration un peu difficile, haussant même le ton et le geste pour parler des Tchétchènes, principal sujet de l’entretien de plus d’une heure qu’il a eu, juste avant l’interview télévisée, avec son premier ministre, Viktor Tchernomyrdine.

Déclarant qu’ils ont « trouvé une solution » pour reprendre, jeudi à Grozny, des négociations russo-tchétchènes en panne depuis quatre jours, Boris Eltsine a souligné avec emphase qu’il s’agit de « notre solution bien sûr » et que « le président se devait d’intervenir dans une question aussi importante ». Ce qui n’est pas nécessairement un signe positif pour le maintien de la trêve relative en vigueur en Tchétchénie depuis près d’un mois et qui semble, depuis deux jours, moins respectée que jamais.

SOPHIE SHIHAB

Leave a comment