En signant, lundi 17 juillet, l’accord intérimaire de coopération qu’elle bloquait depuis plusieurs mois en raison des événements de Tchétchénie, l’Union européenne (UE) a normalisé ses relations avec la Russie. Andreï Kozyrev, le ministre russe des affaires étrangères, a montré l’importance politique qu’il fallait attacher à cette célébration en venant lui-même y participer. Très à l’aise, il a moins commenté l’accord qu’il n’a évoqué le conflit en Bosnie, exprimant avec détermination son opposition à toute action militaire pour reprendre ou renforcer l’une ou l’autre des « zones de sécurité » de l’ONU. Ses collègues « étaient impressionnés par sa détermination », a commenté Manuel Marin, le commissaire européen chargé des relations avec la Méditerranée, l’Amérique latine et l’Asie, qui participait à ce Conseil pour signer des accords avec la Tunisie et le Vietnam.
Bref, les autorités de Moscou sont conscientes de la compréhension bienveillante que nourrit l’UE à leur égard. Celle-ci est persuadée que la stabilité en Europe exige l’établissement de relations confiantes avec Moscou et qu’elle a donc intérêt à aider l’équipe en place à poursuivre, fût-ce de manière cahoteuse, la mise en oeuvre d’un programme de réformes politiques et économiques.
Lors des massacres de Grozny une ville détruite, des milliers de civils tués par les Russes , l’UE, après avoir décidé de différer la signature de l’accord de partenariat, avait posé quatre conditions pour revenir sur ce geste de mauvaise humeur : la présence en Tchétchénie d’une mission de l’OSCE (l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), un cessez-le-feu, l’ouverture de négociations politiques, le libre acheminement de l’aide humanitaire. Estimant qu’elles étaient peu ou prou remplies, les Quinze, lors du Conseil européen de Cannes, fin juin, avaient donné leur accord pour tourner la page. C’est ce qui a été formellement fait lundi.
A Corfou, en juin 1994, l’Union avait conclu avec la Russie un accord de partenariat ouvrant, au moins en théorie, un large champ à la coopération entre les deux parties et donnant notamment plus d’ampleur à leurs consultations politiques. Pour entrer en vigueur, il devra être ratifié par les Parlements nationaux et recevoir l’« avis conforme » du Parlement européen. Les dispositions commerciales, reprises dans l’accord intérimaire qui vient d’être signé, n’ont pas besoin de cette confirmation parlementaire. Elles vont donc pouvoir entrer immédiatement en vigueur.
Ce changement de régime ne devrait pas, cependant, modifier sensiblement le cours des choses : les relations commerciales sont actuellement régies par l’accord passé avec l’URSS en 1989 et repris à son compte par la Russie en 1991. Les échanges sont en plein développement : l’UE est devenue, et de loin, le premier partenaire commercial de la Russie, avec 37 % du total des échanges. En 1993, les importations de la Russie en provenance de l’UE se sont élevées à 11,5 milliards d’écus (1 écu vaut environ 6,6 francs), alors que les exportations russes atteignaient 15,5 milliards d’écus.
PHILIPPE LEMAITRE