Peu de monde osait y croire et rien ne prouve encore que le tournant soit irréversible. Mais les négociateurs russes et tchétchènes, réunis depuis cinq jours à Grozny, ont bel et bien annoncé, vendredi 23 juin, une prolongation sine die pour la première fois en sept mois de guerre d’un cessez-le-feu qui expirait le même jour. Ils ont aussi annoncé la reprise, mardi 27 juin, de leurs travaux, interrompus pour consultations.

Les prétextes ne manquaient pourtant pas à une rupture. D’abord, ces négociations furent arrachées par les Tchétchènes au cours de leur première action « terroriste » en territoire russe, ce qui indigne beaucoup de monde dont les militaires. Mais Boris Eltsine, qui a su retourner en sa faveur l’initiative de paix dont son premier ministre avait assumé toute la responsabilité, a prétendu jeudi 22 juin, avoir « depuis longtemps » demandé la recherche d’une solution pacifique, précisant qu’une séance de négociation (de quelques heures et sans résultat) s’était déjà tenue en mai à Grozny.

Autre prétexte à un échec : les Tchétchènes ont envoyé comme « observateur », au sein de leur délégation, Chirvani Bassaev, le propre frère du chef du commando qui a mené l’attaque sur Boudennovsk. Aussi barbu et souriant que son frère Chamil, il a répondu par un simple proverbe à une question sur l’engagement pris par sa délégation « d’aider » à la capture de celui qui est devenu le nouveau héros tchétchène : « Même une souris se met à mordre si elle est mise au pied du mur. »

Par ailleurs, les tirs n’ont pas vraiment cessé de part et d’autre et les militaires russes ne manquent pas de monter en épingle les « violations » du cessez-le-feu par les Tchétchènes. Quant aux exigences des indépendantistes, elles n’ont guère changé. Si les deux parties ont signé assez facilement un protocole sur les aspects militaires du conflit (désarmement progressif des Tchétchènes contre retrait progressif et partiel des troupes russes), le volet politique n’est pas près d’être résolu, même si le principe d’élections libres a été admis et si la question du statut de la Tchétchénie pourrait n’être abordée qu’après ce scrutin. Le chef des forces russes en Tchétchénie, le général Anatoli Koulikov, qui participe aux négociations, a pour sa part prévenu, vendredi 23 juin, que sans accord politique, le cessez-le-feu perd sa signification.

SOPHIE SHIHAB

Leave a comment