A trente ans, ce jeune chef militaire, prénommé Chamil comme le héros malheureux de la lutte contre l’envahisseur russe au XIXe siècle, jouit du respect unanime des siens pour avoir brillamment commandé, en 1992 et 1993, le « bataillon tchétchène », venu prêter main-forte aux indépendantistes abkhazes, dans leur lutte contre les Géorgiens. A l’époque,e les militaires russes, ravis de voir l’insolente Géorgie mise au pas, n’avaient qu’à se féliciter de ce « bataillon tchétchène » et de son commandant. « POUSSÉ AU TERRORISME »
Fidèle au président Doudaev, dont il fut un temps le garde du corps, Chamil Bassaev a, depuis le début de l’intervention de Moscou en Tchétchénie, le 11 décembre 1994, donné bien du fil à retordre aux unités de l’armée russe et son bataillon de guerriers expérimentés est considéré comme l’élite de l’armée tchétchène.
L’air calme et reposé, le numéro trois de la direction tchétchène s’est présenté, jeudi 15 juin, comme l’auteur du coup de force opéré mercredi à Boudennovsk. Lors d’une conférence de presse improvisée dans l’enceinte de l’hôpital, il déclara « avoir été poussé au terrorisme » après l’assaut final du fief indépendantiste de Vedeno, le 4 juin, au cours duquel onze membres de sa famille ont péri.
Alors qu’il comptait initialement « se rendre à Moscou », le commando, « à court d’argent » pour soudoyer les forces russes « avides » rencontrées lors des différents postes de contrôle, dut s’arrêter à Boudennovsk. Selon le vice-ministre russe de l’intérieur, Evgueni Abramov, près de deux cents combattants se trouvaient déjà dans la petite ville, puis ont été rejoints mercredi par une quarantaine de personnes du groupe de Bassaev. Si tel est le cas, la thèse de l’acte désespéré ne tient pas. D’autre part, comment les forces russes ont-elles laissé passer le convoi sans en référer en haut lieu et pourquoi la ville était-elle si peu défendue lorsque les Tchétchènes y ont pénétré ?
Revendiquant « l’arrêt des hostilités en Tchétchénie », l’inflexible Bassaev, prêt à « mourir dignement », a décliné, vendredi, les offres de rançon de la direction russe. Au chef de l’administration locale, chargé de mener les négociations avec le commando et qui proposait, par mesure de rétorsion, de prendre quelques milliers de civils tchétchènes en otage, Bassaev répondit : « Pourquoi ne pas lâcher une bombe atomique sur la Tchétchénie ? »
MARIE JEGO