Vendredi 16 juin en fin de matinée, la tension ne cessait de monter dans la ville russe de Boudennovsk, à une centaine de kilomètres de la Tchétchénie, où des combattants indépendantistes retenaient plusieurs milliers de personnes en otage et auraient déjà exécuté cinq officiers russes. Les Tchétchènes font peser la menace d’un bain de sang si les troupes russes donnaient l’assaut à l’hôpital de la ville, où les otages sont entassés.

Une trentaine de journalistes ont été autorisés par la cellule de crise russe installée à Boudennovsk à pénétrer, jeudi soir 15 juin, dans l’hôpital de cette ville du sud de la Russie où des combattants tchétchènes détiennent, depuis mercredi, plusieurs milliers d’otages. Andreï Babitski, correspondant de Radio Liberté, a témoigné en ces termes : « J’ai vu des corridors et des corridors pleins de gens. Il y a des cris, des pleurs, des scènes d’hystérie. Ils nous demandaient de les aider, de faire que les forces russes déployées à l’extérieur ne tirent plus. Elles ont déjà tiré mercredi sur l’hôpital. Quand nous sommes entrés, des tirs venant de l’extérieur ont atteint le bureau où devait se tenir la conférence de presse. La femme médecin qui ouvrait la porte a été atteinte au cou. » Les Tchétchènes qui tiennent l’hôpital affirment être au nombre de 200 et parlent de « deux mille, voire de cinq mille otages ». « Des armes lourdes » ont été déployées dans l’hôpital et sur son toit. Andreï Babitski, qui avait vu le chef de l’opération, Chamil Bassaev, il y a un mois dans les montagnes tchétchènes, lui a rappelé sa position d’alors, opposée au terrorisme. Il a rapporté ainsi la réponse du jeune commandant : « Nous n’avions plus le choix. Quand nous avons dû quitter Vedeno [où la femme de Bassaev et presque toute sa famille auraient péri lors d’un bombardement], les gens dans les villages nous demandaient de ne pas rester, pour ne pas mettre leur vie en péril. » Chamil Bassaev a affirmé que cinq officiers russes, choisis parmi les otages pour avoir participé à la guerre en Tchétchénie, ont été exécutés « pour obliger les Russes à laisser venir les journalistes. A l’heure convenue, ces derniers n’étaient pas là. Mon seul but est que l’on parle de la Tchétchénie, qu’il y ait des négociations et que les soldats russes partent. Si les Russes lancent l’assaut, on exécutera d’autres militaires, ou on fera sauter le bâtiment qui est miné », a-t-il dit, selon Radio Liberté.

NÉGOCIATIONS EN COURS

Des témoignages, recueillis jeudi à Boudennovsk par un envoyé spécial de l’AFP auprès de personnes ayant assisté à l’assaut tchétchène mené mercredi contre la ville, montrent que l’action a visé systématiquement à rassembler dans l’hôpital un nombre maximum d’otages. La télévision russe a montré des corps d’habitants étendus par terre et l’évacuation de blessés. Selon des sources officielles, l’assaut a fait plusieurs dizaines de morts, civils et policiers.

La cellule de crise russe a annoncé jeudi que des négociations étaient engagées avec les terroristes, menées par des membres du gouvernement tchétchène installé par Moscou à Grozny et par l’administration locale de Boudennovsk. « Ce qui nous gêne, ce sont les demandes politiques des terroristes », a déclaré un de ces fonctionnaires. Les ministres russes de l’intérieur et de la sécurité, présents sur les lieux, gardent le silence, mais un de leurs porte-parole a indiqué que « des négociations ont bien lieu et qu’elles pourraient durer encore quelques jours ».

SOPHIE SHIHAB

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