LES crimes atroces commis par les autorités et par les forces armées russes en Tchétchénie ne sont pas accidentels et nous en sommes tous responsables. A en croire les témoignages des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des mères des soldats qui se battent là-bas, ces crimes se traduisent, outre le bombardement de villes et de villages habités par des civils, par des prises d’otages, des pillages et la mise en place de camps d’épuration où des hommes et des femmes, détenus pour des raisons raciales, sont souvent cruellement battus, torturés, mutilés et assassinés.

Cette crise n’est pas fortuite. Elle révèle la nature criminelle du régime qui est en train de se former en Russie

Tous ces actes relèvent du génocide. Ce sont des crimes contre l’humanité. Ils ne doivent pas être considérés comme étant une affaire intérieure à la Russie. La crise tchétchène n’est pas fortuite. Elle révèle la nature criminelle du régime politique qui est en train de se former en Russie.

Le pire est l’absence d’une vision claire de ce fait. L’opinion publique occidentale en particulier nourrit l’illusion que la Russie progresse sur la voie de la démocratie et des réformes et que, si l’on ne soutient pas Eltsine, les fascistes comme Jirinovski prendront le pouvoir.

Nous considérons cette opinion comme profondément erronée. S’il déclare défendre la démocratie et les droits de l’homme, le régime, en fait, persécute le peuple avec cynisme et brutalité. Les preuves abondent. Des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme ont été frappés et tués pour avoir découvert et publié des informations compromettantes pour le régime. Aujourd’hui, le « rétablissement de l’ordre constitutionnel en Tchétchénie » peut conduire à l’anéantissement du peuple tchétchène.

Usant de méthodes fascistes, le régime se sert de Jirinovski et de la menace fasciste pour manipuler l’opinion publique. La Russie n’avance pas sur la voie de la démocratie et des droits de l’homme. Un nouveau régime y est né, d’une rare cruauté et d’une rare duplicité.

Que s’impose en Russie ce régime criminel ou une démocratie à visage humain dépendra d’abord du peuple de Russie, de son aptitude à percevoir le danger, à prendre ses responsabilités, à montrer courage et détermination face au mal.

Il est cependant également capital que l’Occident comprenne véritablement la situation en Russie, et soutienne, non pas Eltsine, mais la démocratie.

PAR ALEXANDRE BELAVINE, VLADIMIR DRINFELD ET BORIS FEIGINE

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