La prise par l’armée russe de Vedeno, le QG du général Doudaev dans les montagnes du Caucase, a bien sûr été saluée, lundi 5 juin, comme un succès « stratégique » par Moscou. Même s’il a fallu six mois de bombardements journaliers à la première armée d’Europe pour détruire Grozny et atteindre Vedeno, à 50 kilomètres seulement de la capitale tchétchène. Et ce au prix de dizaines de milliers de morts dont personne ne fera le compte exact. Mais la guerre menée contre quelques milliers de combattants tchétchènes, privés de sanctuaire et de moyens antiaériens, ne s’arrêtera pas pour autant, même si, dans les montagnes, il n’y a plus de témoins étrangers pour en rendre compte.

Vendredi, la veille de l’assaut sur Vedeno, Médecins sans frontières, la dernière organisation humanitaire à opérer les blessés dans les montagnes, a été sommée de partir. Le Comité international de la Croix- Rouge (CICR) n’avait jamais pu s’y installer, car les Russes n’accordaient aucun « corridor de sécurité ». Le CICR a estimé, lundi, que la « majorité » des civils sont désormais descendus dans la plaine. La mission sur place de l’OSCE avait obtenu in extremis, vendredi, l’évacuation d’un unique convoi de trois cents femmes, enfants et vieillards de Chatoy, l’autre localité importante en montagne, les seuls hommes étant quelques blessés, eux-mêmes menacés car soupçonnés d’être des combattants. Selon MSF, certains blessés de Chatoy ont refusé d’être évacués par crainte d’être arrêtés.

Vedeno, se trouvant à l’aplomb d’une profonde vallée que des combattants tchétchènes défendaient encore plusieurs points en aval, a été prise par des chars russes, soutenus par des hélicoptères. Une route leur est désormais ouverte pour occuper Chatoy, plus à l’ouest, où les combats se poursuivent aussi. Mais les pertes russes ont considérablement augmenté depuis le début de la phase de la guerre des montagnes. Avant même la prise de Vedeno, le général Boris Gromov, le dernier « héros » d’Afghanistan en semi-disgrâce auprès du ministère des affaires étrangères, estimait qu’elles atteignaient vingt-cinq morts par jour. Il a appelé en même temps à un retrait immédiat de l’armée russe et à l’ouverture de vraies négociations. Car, à la « guerre de partisans » qui commence désormais dans les montagnes, s’ajoute celle qui se mène déjà dans les plaines occupées et qui ne donne guère de signes de répit, malgré les arrestations incessantes, les « disparitions », voire les assassinats d’hommes en âge de porter les armes. Mais l’état-major russe continue de répondre que tout sera rentré dans l’ordre dans « quelques mois »…

SOPHIE SHIHAB

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