Lionel Jospin : Moi, j’aime bien les situations de politique-fiction !
Alain Duhamel : Ce n’est pas de la politique-fiction. Le Conseil européen est dans quelques semaines. L’un de vous deux y sera.
Lionel Jospin : Il faudra commencer à réfléchir au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, qui seront présents dans un dîner, comme cela se fait traditionnellement. A la Conférence intergouvernementale de 1996, nous aurons à examiner les problèmes de la préparation de la troisième phase de l’Union monétaire, donc du passage à la monnaie unique. Il va y avoir, en novembre 1995, une conférence euro-méditerranéenne également très importante, le problème de l’élargissement à l’Est…
Alain Duhamel : Si vous aviez deux ou trois objectifs prioritaires ?…
Lionel Jospin : Compte tenu du peu de temps qui nous est laissé, je préférerais… Même s’il y a peu de temps, si nous ne pouvons pas, l’un et l’autre, développer nos conceptions de politique européenne et étrangère, nous pourrions revenir sur quelques points qui représentent des différences entre l’approche de Jacques Chirac et la mienne.
Premier élément, je suis contre la reprise des essais nucléaires. Voilà un motif de différence et de choix. Je pense que, surtout depuis qu’il y a les programmes de simulation Hermès, qui permettent de savoir ce que nous voulons savoir, il n’est pas responsable de la part de la France, alors que nous sommes en renégociation au niveau de la communauté internationale du traité de non-prolifération des armes nucléaires, de donner ce signe de la reprise des essais nucléaires. Il va servir de prétexte à un certain nombre de pays au seuil de l’arme nucléaire pour refuser de signer, et on va s’engager à nouveau dans cette course. Je pense vraiment que c’est une différence fondamentale, et je ne comprends pas que Jacques Chirac soit sur cette position.
Deuxième élément de différence, sur le service militaire, encore que, comme Jacques Chirac a bougé, je ne sais plus très bien où il en est. Sa position dans la campagne est quand même pour l’armée de métier. Je suis contre l’armée de métier et pour un service militaire de conscription. Comme nous n’avons pas besoin de toute une classe d’âge, je pense qu’une partie de la classe d’âge peut faire un service civil. C’est ma position constante, je n’en ai pas bougé, et c’est donc une deuxième différence, qui est liée là aussi à la conception du pacte républicain dont vous parliez. C’est ça aussi la République, une armée de conscription.
Il y a d’autres questions dont on pourrait parler, les incertitudes que je suis personnellement dans la véritable volonté de Jacques Chirac de conduire de façon continue et sans changement sa politique européenne. Il nous a dit, d’une part, qu’il envisageait un référendum sur la conférence intergouvernementale de 1996 sur l’évolution des institutions de l’Union européenne. Ensuite, devant les protestations, il nous a dit qu’il n’y pensait plus. Ensuite, il nous a dit qu’il y pensait à nouveau. M. Chirac a une sorte, je dirais, d’obsession de la renégociation : il voulait renégocier l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté économique européenne. Il en avait pris l’engagement, il ne l’a pas fait. Veut-il renégocier cette question ou pas et quelle est sa véritable volonté ?
J’ai peur que Jacques Chirac, en matière européenne, n’ait pas une vraie volonté, n’ait pas une vraie stabilité de position et d’attitude, et cela me préoccupe. C’est une conception, c’est une différence fondamentale dans l’état d’esprit, compte tenu des variations, à travers le temps, qu’a opérées Jacques Chirac sur la question européenne.
Guillaume Durand : M. Chirac va vous répondre à la fois sur la question européenne, sur les essais nucléaires et sur l’armée.
Jacques Chirac : Commençons par l’Europe. Je voudrais dire que je m’occupe de l’Europe depuis longtemps. J’ai été le ministre de l’agriculture qui a fait, je crois personne ne l’a contesté , le plus progresser la politique agricole commune. De 1986 à 1988, c’est moi qui ait fait voter l’Acte unique, ce qui n’était pas évident. C’est moi qui ait fait le règlement financier de l’Europe, car je vous rappelle qu’en 1986, beaucoup par la faute de la France, l’Europe était en panne sur le plan financier. Peu importe en tous cas, j’ai fait négocier le règlement financier. J’ai été le premier et j’ai prêché dans le désert pendant des années à demander une défense européenne en 1986, à faire admettre et j’ai eu beaucoup de mal à cause des Anglais que l’Union de l’Europe occidentale puisse être le vecteur de cette défense et faire la réforme aussi bien de l’institution, de ses compétences et de son élargissement.
Et enfin, je vous rappelle qu’avec un certain mérite, compte tenu de la position majoritaire du mouvement auquel j’appartenais, j’ai fait campagne pour le traité de Maastricht. Je trouve qu’il y a tout de même une certaine continuité. Ce qui justifie que la fraction la plus européenne des représentants de la majorité n’a vu, sur ce chapitre-là, aucune espèce de difficulté à me suivre. Je voudrais dire simplement, très vite, un mot sur les deux autres questions. En ce qui concerne le service militaire, j’ai toujours considéré qu’il était, tel qu’il est, dépassé. Vous parliez de République. Le service militaire, c’était l’égalité et l’universalité. Tout le monde le faisait et dans les mêmes conditions. Aujourd’hui, c’est fini et c’est impossible. Quand on est fils de famille ayant des relations, on fait son service militaire dans une grande banque à Singapour, et quand on est plus modeste, dans une unité plus difficile. On ne reviendra pas là-dessus. Tout simplement, pour des raisons démographiques, l’armée n’a plus besoin d’une classe…
Lionel Jospin : Moi, j’ai fait mes classes comme tout le monde…
Jacques Chirac : … deuxièmement, nous avons besoin de servir des armes de plus en plus sophistiquées. Et vous n’éviterez pas la professionnalisation de l’armée. C’est inévitable. C’est ce qui se passe dans toutes les grandes démocraties. En revanche, l’idée que l’on peut avoir parce que tout cela ne va pas se faire du jour au lendemain est de substituer au service militaire d’aujourd’hui un service civil que feraient à la fois les filles et les garçons. Il pourrait concerner l’ensemble des actions qui sont utiles au renforcement des liens de solidarité dans une société qui va depuis les forces de sécurité, comme certains le font aujourd’hui, jusqu’à l’humanitaire, à l’intérieur ou à l’extérieur. Enfin, je propose de faire un vrai service républicain dans ce domaine.
Enfin, le nucléaire. M. Jospin, je ne suis pas un fanatique des essais nucléaires. Vous me dites maintenant qu’on a la simulation. Vous êtes évidemment dans le secret des dieux. Mais je n’ai rencontré aucun membre compétent de la communauté scientifique qui m’affirme qu’on a la simulation. Je vous répondrai simplement ceci, parce qu’il faut être responsable : si nous avons la simulation, autrement dit si nous pouvons nous passer des essais nucléaires tout en continuant à moderniser notre dissuasion et à rester dans le club des grandes puissances qui assure leur sécurité, bravo, arrêtons définitivement les essais nucléaires ! Mais si, en revanche et seuls les techniciens pourront nous le dire , nous ne sommes pas encore capables de passer à la simulation sans faire une série supplémentaire d’essais, il serait totalement irresponsable, pour un grand pays comme la France, de se laisser exclure des puissances nucléaires au nom des grands principes et de perdre son rang et sa sécurité à cet égard. Il faudrait faire, à nouveau, une série d’essais, en disant combien et pour quelle durée. Je ne suis pas demandeur. Ça, seuls les scientifiques peuvent nous dire où on en est réellement, et comme c’est couvert par le secret défense, vous ne l’avez pas, monsieur Jospin, et moi non plus.
Lionel Jospin : Mais vous savez que j’aime beaucoup la communauté scientifique, et je suis pour une reprise de la priorité en faveur de l’effort scientifique, qui a été à nouveau coupé. Mais quand même ! Vous qui parlez souvent des technocrates, et les scientifiques ne sont pas des technocrates, ce ne sont quand même pas les experts qui vont décider le politique, et le président de la République a besoin de savoir ce qu’il fait par rapport à la communauté internationale. Il y a l’argument que j’ai donné tout à l’heure, la non-prolifération. Il y a besoin de prendre une décision. C’est ça que je veux dire.
Jacques Chirac : Ce n’est pas le problème !
Lionel Jospin : Si, c’est le problème, que je pose.
Jacques Chirac : Est-ce que nous avons les moyens de la simulation ? Et, dans ce cas, vous avez raison. Est-ce que nous ne les avons pas, et dans cette hypothèse, c’est moi qui ai raison.
Et vous n’êtes pas en mesure, ce soir, de répondre à cette question. Je dois dire que moi non plus. Ce que je dis, c’est qu’affirmer qu’on ne reprendra pas les essais nucléaires, dans l’état actuel des choses, c’est irresponsable.
Alain Duhamel : On va en rester là sur ce point. Et puis Guillaume Durand va vous poser à chacun trois questions précises d’actualité et après quoi on vous demandera votre conclusion, à l’un comme à l’autre.
Jacques Chirac : L’Europe est passée par pertes et profits.
Alain Duhamel : L’Europe a été assez vite, ce qui prouve qu’elle n’est pas toujours aussi lente qu’on pourrait le croire.
Guillaume Durand : Est-ce que je peux vous demander à tous les deux, et à partir du moment où vous envisagez d’être à l’Elysée, quelle est la manière, finalement, dont vous géreriez trois crises qui marquent la situation internationale actuelle : la Bosnie, avec l’embrasement qu’on ne contrôle plus, la Tchétchénie et l’Algérie. C’est à M. Jospin de commencer, puisqu’il a un léger retard dans le temps.
Lionel Jospin : En ce qui concerne la Tchétchénie, je trouve que nous avons fait preuve d’une singulière timidité, et je dirais même d’une singulière complaisance à l’égard de la Russie, et de Boris Eltsine. Sur la base d’un raisonnement surtout développé par les Américains, qui ont pesé beaucoup dans cette affaire , qui consiste à penser que c’est en passant par pertes et profits l’écrasement des Tchétchènes que l’on va consolider soit la démocratie, soit la place d’Eltsine en Russie. Je crois, au contraire, qu’en faisant cela nous fragilisons les chances de la démocratie en Russie. Si vous faites allusion à la présence du chef de l’Etat, qui sera d’ailleurs le chef de l’Etat actuel, aux cérémonies du 9 mai à Moscou, j’ai pris position en disant qu’autant je pensais qu’il fallait s’exprimer avec la plus grande netteté et prendre des décisions vis-à-vis de la Russie beaucoup plus claires et beaucoup plus nettes, autant l’histoire d’aujourd’hui, pour peu qu’on soit clair sur les principes, ne permet pas d’effacer l’histoire d’hier. Je pense que la lutte antinazie et les sacrifices qui ont été consentis par le peuple russe même si c’était sous un régime de dictature, je ne l’ignore pas méritent d’être reconnus.
En ce qui concerne l’Algérie, je dirai qu’il y a eu des hésitations au sein du gouvernement de M. Balladur, et on a eu l’impression qu’il y avait deux politiques à l’égard de l’Algérie, une conduite par M. Pasqua, qui était finalement d’indulgence à l’égard du régime militaire, en disant : il n’y a que lui face aux intégristes ; et l’une de M. Juppé, qui m’est apparue plus souple. Je pense que M. Juppé a une conception qui ressemble à celle que, moi, je défends depuis le début, parce qu’ils ont bougé au sein du gouvernement. J’ai eu l’impression qu’on était davantage venu sur ma position, qui consiste à dire qu’il faut naturellement être implacable dans la lutte contre le terrorisme et contre les islamistes, bien sûr en France, où que ce soit, et être sans complaisance naturellement vis-à-vis de l’Algérie, qui est un pays étranger. Nous devons aussi faire comprendre aux autorités algériennes que les méthodes qu’elles emploient dans la lutte ne peuvent pas être acceptées. Et donc je préconise personnellement d’appuyer les démarches de caractère démocratique, notamment celles conduites dans la conférence de Rome. Et je n’avais pas entendu d’ailleurs M. Chirac s’exprimer sur cette conférence de Rome et dire ce qu’il en pense. Voilà mon approche.
Sur la Bosnie, je ne sais pas comment je peux répondre en dix secondes…
Guillaume Durand : Personne ne vous demande de répondre en dix secondes.
Lionel Jospin : Très bien ! Je dirai que je suis évidemment très inquiet à la fois de la fin du cessez-le-feu à Sarajevo et en Bosnie, de la reprise d’activités militaires de la part des Croates en Krajina, occupée par les Serbes.
Alain Duhamel : Qu’est-ce que vous préconisez de la part de la France ?
Lionel Jospin : La France ne peut pas agir seule. Elle doit agir avec les autres membres de la communauté internationale. Sur la base du plan de paix, si on croit encore que le plan de paix du Groupe de contact peut déboucher, alors il faut y mettre les atouts de la fermeté, d’une fermeté plus grande ; sinon, on ne débouchera jamais. L’autre terme de l’alternative, à un moment ou à un autre, et d’ailleurs le gouvernement l’a évoqué, M. Léotard et d’autres, sera le retrait de notre contingent, ce qui posera un grand problème, et aussi la levée de l’embargo. Alors, si on est sur un axe politique, restons-y, mais mettons-y les atouts de la fermeté.
Guillaume Durand : Monsieur Chirac, sur la gestion de ces trois crises ?
Jacques Chirac : Sur la Tchétchénie, je partage le sentiment de M. Jospin. J’ai déjà eu l’occasion de le dire très clairement au premier ministre, et au président russe. C’est une très vieille affaire. Je me souviens quand j’étais jeune, je lisais un poème de Lermontov, dans les années 50, qui s’est transformé en une berceuse que tous les petits Russes ont entendue et qui disait : « Mon petit, dors, le grand méchant Tchétchène est en train d’aiguiser son couteau, mais ton papa veille. » C’est une vieille, vieille affaire, l’affaire de la Tchétchénie.
Pour l’Algérie, je crois aussi qu’il n’y a pas d’autre solution que de tout faire pour inciter celles et ceux qui sont à l’évidence majoritaires en Algérie, et que l’on n’entend pas aujourd’hui, mais qui sont notamment tous ces cadres, quadragénaires, quinquagénaires, des hommes et des femmes, et qui rejettent toute forme d’intégrisme, toute forme d’autoritarisme ; il faut les inciter effectivement à se regrouper et les aider. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille priver l’Algérie, naturellement, des moyens que nous lui donnons, car, à ce moment-là, on risque l’effondrement total. Sur la Bosnie, je regrette naturellement qu’on n’ait pas fait en 1992 ce que j’avais proposé, c’est-à-dire, dès que les Serbes ont commencé à bouger, leur envoyer un ultimatum avec, éventuellement, la mise en oeuvre de forces aériennes. Ça aurait probablement gelé les choses à ce moment-là. Mais, aujourd’hui, la France doit effectivement peser de tout son poids dans le Groupe de contact, ce qu’elle a fait, par sa présence sur le terrain, pour obtenir que soit respecté le cessez-le-feu ou proroger le cessez-le-feu, qui s’est terminé hier. Si véritablement ce n’est pas possible, je crois qu’il faudra, à un moment donné, s’interroger sur le point de savoir si la France n’a pas les moyens d’imposer une solution diplomatique ; et, si la Forpronu n’a pas les autorisations et les moyens de riposter quand elle est attaquée, il faudra bien que la France s’interroge sur le maintien des soldats de la Forpronu sur place.
Alain Duhamel : Monsieur Chirac, monsieur Jospin, c’est donc maintenant le moment de conclure.
Jacques Chirac : C’était un débat intéressant. On aurait aimé qu’il dure plus longtemps, parce qu’il y a beaucoup de choses qu’on n’a pas évoquées. Je voudrais dire simplement en terminant que dimanche, la question qui va se poser aux électrices et aux électeurs, à l’ensemble des Français, c’est en réalité la suivante : est-ce que vous voulez ou non un troisième septennat socialiste ? Ou bien est-ce que vous voulez, au contraire, un véritable changement ? Je connais bien la France, j’ai beaucoup écouté les Français, je sais que les Français veulent aujourd’hui un vrai changement. Et ce vrai changement, je l’ai proposé et j’ai l’intention, si les Français le veulent, de l’assumer réellement. Je ne mets pas en cause, naturellement, votre volonté, vos bonnes intentions, M. Jospin. Ce que je mets en cause, c’est votre ambition. Je trouve que c’est toujours la même chose avec les socialistes. Au total, dès qu’on gratte un peu les choses pour voir ce qu’il y a dessous, on trouve un système permettant de répartir la pénurie. Et ce système, naturellement, décourage et fait que la société s’effondre petit à petit, autrement dit on tue petit à petit, on étrangle petit à petit la poule aux oeufs d’or.
Moi, je suis pour une tout autre politique, une politique qui prenne en compte les problèmes quotidiens des Français et qui prenne en compte les grandes chances de la France. La France est un pays qui a des chances extraordinaires : sa démographie, dont on n’a pas parlé, qu’il faut encourager par une vraie politique familiale, ses petites et moyennes entreprises, sa recherche, son intelligence, sa culture, mais aussi son agriculture, sa puissance maritime et ses chances. Cet esprit de conquête qui nous a marqués longtemps, eh bien, nous ne le retrouvons pas ! Et moi, ce que je veux, c’est rendre à la France cet esprit de conquête, autrement dit et pour terminer, je voudrais dire que ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de faire confiance aux Français. Il faut faire confiance aux Français, il faut aimer la France. Et à ce moment-là, nous aurons une France très unie, retrouvée. C’est ce que j’appelle une France pour tous.
Alain Duhamel : Monsieur Jospin.
Lionel Jospin : Après m’être aussi réjoui de ce débat, je voudrais dire à ceux qui m’écoutent, mais ils le savent, que pendant cette campagne, au premier tour comme au second tour, je me suis efforcé de les traiter avec respect. Je n’ai polémiqué avec personne. Je n’ai négligé personne. Mais j’ai proposé un projet, j’ai fait mes propositions pour la France. J’ai dit aussi ma conception de la présidence de la République dans un pays qui doit être maintenant tourné vers l’avenir et tourné vers la modernité, dont on ne doit pas aborder les problèmes avec le regard trop souvent tourné vers le passé. Je suis parti des préoccupations des Français : l’emploi, le logement, le salaire, la protection sociale, les services publics, la sécurité, l’exclusion, la vie dans les villes et ses quartiers difficiles, la vie aussi dans le monde rural.
J’ai essayé de tracer des perspectives pour l’avenir parce que je ne peux pas m’arrêter au présent, la France a besoin qu’on lui propose un dessein et j’ai dit l’importance qu’il fallait à nouveau donner à l’éducation et à la recherche. J’ai manifesté le souci de l’avenir pour notre planète, pour le monde que nous laisserons à nos enfants, pour l’écologie, et j’ai insisté sur une grande politique européenne, dans la lignée de ce qu’a fait François Mitterrand et de ce qu’a fait aussi Jacques Delors.
Je me suis attaché à des valeurs, celles de la République : liberté, égalité, fraternité, bien sûr, mais aussi laïcité, solidarité, responsabilité des citoyens et des associations, impartialité de l’Etat, égalité entre les femmes et les hommes. Ce sont ces valeurs que je veux servir comme président de la République si vous m’élisez. Ce sont ces problèmes que je veux commencer à résoudre. Même si ce sera difficile, j’ai dit ce que je ferai, je ferai ce que j’ai dit. J’ai des perspectives, un grand projet pour le pays, dans une pratique de pouvoir rénovée, plus attentive à l’éthique et surtout plus moderne. Comme disait Byron, pour ne pas citer Lermontov, nous sommes à une époque où les destins veulent changer de chevaux.
Alain Duhamel : Voilà, monsieur Chirac et monsieur Jospin, cette émission va s’achever. Bien entendu, nous n’avons pas traité tous les sujets, encore que je crois que cette émission a été la plus longue du genre. Je pense que vous avez pu vous exprimer librement l’un et l’autre, équitablement, avec respect et considération, à la fois l’un pour l’autre et pour les Français qui vous écoutaient. En tout cas, Guillaume Durand et moi vous en remercions.