Le ministre russe de la défense avait surpris en plaidant fermement, dimanche, pour une révision du traité CFE sur la réduction des forces conventionnelles en Europe. Un avertissement qui risque de compliquer encore davantage les relations déjà tendues, entre la Russie et ses partenaires occidentaux, par la poursuite de la guerre en Tchétchénie. D’autant plus que cette mise en garde de M. Gratchev intervient avant l’arrivée à Moscou, le 9 mai, de MM. Clinton, Kohl et Mitterrand pour la célébration du cinquantième anniversaire de la victoire sur le nazisme. Or, nul doute que les propos de M. Gratchev apporteront de l’eau au moulin de ceux qui estiment que la venue dans la capitale russe de ces dignitaires occidentaux est déplacée, car elle cautionnerait indirectement le retour d’une politique russe de plus en plus agressive.
Le général Gratchev avait affirmé que la Russie ne pouvait pas observer « toutes les réductions » d’armements prévues par ce traité, conclu par trente pays en 1990, avant l’effondrement de l’URSS. « Nous nous efforcerons de persuader nos partenaires occidentaux que les dirigeants de l’ex-Union soviétique ont commis une erreur en signant ce document », qui fixe à près de six cents le nombre de chars autorisés pour la région militaire russe dite « sous-région Nord-Sud », qui va de Saint-Pétersbourg au Caucase. Or, Moscou fait état de besoins allant jusqu’à deux mille cinq cents chars pour cette seule zone.
LE TRAITÉ CFE EN QUESTION
Faisant référence au conflit tchétchène, Pavel Gratchev a souligné que « la Russie ne pouvait appliquer ce traité que dans un contexte de stabilité ». Au moment de sa signature, « la situation sur le flanc sud de la Russie [Caucase du Nord] était différente », a-t-il indiqué. M. Gratchev n’a d’ailleurs pas cherché à cacher qu’il existe plusieurs moyens de contourner les dispositions du traité, en transférant une partie des blindés de l’armée aux forces du ministère de l’intérieur. Il avait aussi usé, début avril, d’un nouvel argument contre l’application du traité CFE, menacant de prendre des « contre-mesures », notamment un gel de l’application du traité CFE, en cas d’élargissement de l’OTAN vers les pays d’Europe de l’Est.
Faisant écho aux déclarations de M. Gratchev, le ministre russe des affaires étrangères, Andreï Kozyrev, a illustré, mardi, les motifs de cette offensive russe pour une révision du traité CFE. Moscou, a-t-il insisté, n’exclut pas le recours à la force pour protéger les droits des minorités russophones dans les anciennes républiques soviétiques. « Il peut y avoir des cas où l’utilisation de la force militaire directe sera nécessaire pour défendre nos compatriotes à l’étranger », a-t-il dit, alors que plus de vingt millions de Russes de souche vivent dans les trois Etats baltes (Estonie, Lituanie et Lettonie) et dans les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI). « Le sort des russophones dans de nombreux Etats de la CEI reste insatisfaisant », a souligné M. Kozyrev, qui a explicitement dénoncé la « discrimination » à l’égard des russophones au Kazakhstan, en Ouzbékistan, en Kirghizie et au Tadjikistan. (AFP, Reuter.)