ATROCITÉS.

La ville de Samachki, l’un des derniers bastions des Tchétchènes, à l’ouest de cette République indépendantiste, est tombée après quatre jours d’assaut par les forces russes. Les premiers témoignages de rescapés, recueillis par la Croix-Rouge et les agences de presse, évoquent des atrocités commises par les soldats russes dans cette ville où il ne resterait plus que quelques centaines d’habitants.

GROZNY.

Quatre mois après le début de l’intervention de l’armée russe en Tchétchénie, Grozny, la capitale, est désormais aux mains des troupes de Moscou. Mais des combats sporadiques reprennent dès la tombée de la nuit.

PARTISANS.

Après avoir systématiquement rasé les principales villes de la plaine tchétchène, les Russes sont maintenant confrontés à une guerre des partisans qui se sont réfugiés dans les montagnes du Caucase.

Les témoignages commencent à arriver sur des exactions commises ces derniers jours par les troupes russes dans la ville de Samachki, dans l’ouest de la Tchétchénie, qui était l’un des derniers bastions de la résistance. Après trois jours de bombardements d’artillerie et d’aviation, les troupes russes ont pénétré dans la ville samedi 8 avril.

Lundi, l’entrée dans Samachki était encore interdite par les soldats russes, mais des témoignages d’habitants qui fuyaient pouvaient être recueillis aux postes de contrôle. Une femme, Aïchat Izraïlova, les bras couverts de brûlures, a raconté à l’envoyé spécial de l’AFP comment les soldats ont aspergé sa maison d’essence avant d’y mettre le feu, arrêtant tous les hommes qui en sortaient. Une autre femme, Malika Maïerbolova, lui a déclaré : « Devant chez nous, les soldats ont crié, demandant s’il y avait des Tchétchènes. J’ai dit que oui, qu’il y avait une femme et deux vieux. Alors ils ont lancé une grenade et mes parents sont morts. »

TROIS JOURS DE TIRS

Zina Akhmadova, quarante-trois ans, a perdu cinq de ses sept enfants. Zaïna Kourbanova raconte : « Dans notre cave, on avait vingt femmes et enfants. On leur a dit de ne pas tirer. Ils ont ri et ils ont tiré. » Elle-même, ses enfants et son mari s’en sont sortis. Ils ont fui la ville dimanche, après avoir subi les trois jours de tirs d’artillerie qui ont précédé l’entrée des blindés russes par le nord de Samachki. En partant, Zaïna a compté sept corps gisant dans leur seule rue. « Une maison sur deux était en feu », dit-elle. Ils se sont bientôt trouvés devant le poste russe, gardé par des soldats aux masques noirs. Le mari de Zaïna a été arrêté avec la vingtaine d’hommes de leur groupe.

Durant quatre jours, les délégués du Comité international de la Croix-Rouge ont réclamé en vain l’autorisation de franchir ces postes, qui bloquent la ville en feu d’où venait le bruit incessant de tirs. Une seule voiture a finalement pu le faire, lundi 10 avril, dans la soirée. « Beaucoup, beaucoup de corps gisent là-bas », a sobrement déclaré Jean-Paul Corboz au retour d’une brève incursion. Selon Denis Allistone, directeur adjoint de la Croix-Rouge à Moscou, l’équipe qui s’est rendue sur place n’aurait cependant pas confirmé les témoignages faisant état d’une « destruction intégrale » de la ville.

Selon Piotr Kossov, conseiller de la présidence d’Ingouchie, où sont recueillis les rescapés, le nombre des morts serait d’une centaine au moins, celui des blessés abandonnés à leur sort de « deux ou trois fois plus ». Les militaires lui ont dit que 400 hommes de Samachki ont été emmenés dans un camp de toile déployé à l’entrée nord de la ville, puis dispersés dans divers camps où ils subissent le traitement « de routine ». « LE MÊME SCÉNARIO »

Toujours selon M. Kossov, « les combattants tchétchènes ont fui avant l’entrée des Russes. Une partie serait dans les forêts autour de Samachki, avec des civils, et les hélicoptères russes bombardent toujours la région. Des renforts tchétchènes seraient venus des montagnes du Sud pour tenter de couvrir leur fuite ».

Après quatre mois de résistance, les Tchétchènes ne tenaient plus, jusqu’à samedi, que Samachki dans la plaine et plusieurs localités avoisinantes, parmi lesquelles surtout Akhtchoï Martan, où se trouveraient quelque dix mille personnes avec les réfugiés.

Lundi soir, les Russes ont annoncé avoir pris aussi Akhtchoï Martan. « Personne n’a pu encore aller voir, dit Piotr Kossov. Mais on sait qu’ils ont bombardé avant. Ce doit être le même scénario qui continue… »

SOPHIE SHIHAB

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