Alors que l’aviation russe lâchait, lundi 27 mars, des bombes sur des camps de réfugiés tchétchènes retranchés dans les montagnes du sud-est du pays, l’envoyé spécial de l’OSCE se félicitait, le même jour à Moscou, de « l’amélioration constante » de son dialogue sur le sujet avec les autorités russes. Preuve de ces « progrès », selon Istvan Gyarmati, le représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) : sa mission actuelle, la deuxième depuis le début de l’offensive militaire russe, il y a plus de trois mois, a été autorisée, contrairement à la précédente, à se rendre à Nazran, dans la capitale de la République voisine d’Ingouchie, où elle a pu rencontrer des représentants de la résistance tchétchène.
Car il n’est toujours pas question pour l’OSCE, ni pour les députés européens venus au même moment à Nazran, de se rendre en Tchétchénie dans les zones du sud-est du pays, encore non occupées par l’armée russe : la « sécurité ne peut y être assurée », affirment fort justement les autorités russes. Depuis près de deux semaines, aucun village, aucune route n’est plus à l’abri des tirs de l’aviation russe, alors que l’artillerie resserre en même temps son étau sur Chali et Goudermès, les deux dernières villes qui n’ont pas encore été rasées. Comptant sur l’absence de témoins, notamment de la télévision, les autorités militaires russes ont à nouveau démenti avoir bombardé, lundi, des « cibles civiles ».
Mais l’envoyé spécial de l’AFP, Sebastian Smith, seul correspondant d’agence à se trouver encore dans cette zone, a pu témoigner du contraire. Il a vu plus de vingt cratères de bombe dans les barraquements du camp de réfugiés d’Elistanji, bombardé lundi, où cinq personnes ont été tuées et douze autres blessés. Au même moment, des raids sur d’autres camps de réfugiés et sur des villages proches de Chali ont fait, selon des sources tchétchènes, une soixantaine de morts. « UN CAUCHEMAR »
Ce même journaliste avait témoigné ces jours-ci des bombardements sur Chali et autres localités de la région et rapporté l’état désespéré des hôpitaux dans les zones non occupées : saturés, sales et menacés par les épidémies, ils sont évacués les uns après les autres devant les risques de bombardements. Celui de Chali, touché à plusieurs reprises par des obus, a été évacué la semaine dernière. L’équipe de Médecins sans frontières qui travaille à l’hôpital de Kourtchaloï estime que ce serait « un cauchemar » de déménager des blessés graves et des équipements lourds en pleine zone de guerre. Autre obstacle : les villageois hésitent à accueillir des services hospitaliers, craignant qu’ils n’attirent les bombes russes…
Le délégué de l’OSCE n’a pourtant pas craint d’affirmer, lundi, que « l’accès humanitaire aux victimes s’améliore ». Quant aux progrès du « dialogue » avec Moscou, M. Gyarmati « espère » qu’il permettra l’installation d’une « équipe permanente » de six hommes de l’OSCE à Grozny à la mi-avril. « L’OSCE et la Russie se comprennent de mieux en mieux », a souligné le diplomate, qui a jugé « inutile » l’envoi d’une force d’interposition en Tchétchénie. Une telle force, même symbolique et composée de ressortissants russes, est pourtant réclamée par ceux qui, en Russie même, tentent toujours d’arrêter le massacre programmé en Tchétchénie.
SOPHIE SHIHAB