Si François Mitterrand a posé le règlement pacifique de la crise tchétchène comme condition à la conclusion d’un accord de partenariat entre l’Union européenne et la Russie, le président américain a, de nouveau, renouvelé son soutien à Boris Eltsine. La majorité républicaine fait pression pour que Washington prenne des distances avec le président russe. ARMÉE. Preuve des difficultés économiques du pays, la flotte russe reste, pour l’essentiel, à quai.
SOUMETTRE toutes les autorisations de dépenses à accord présidentiel et supprimer un grand nombre d’exemptions fiscales ; les décrets signés cette semaine par Boris Eltsine traduisent une volonté présidentielle de gérer de plus près la politique économique russe, pour limiter au maximum le déficit budgétaire, et satisfaire au mieux les créanciers occidentaux. Il n’est pas surprenant que l’adoption de ces décrets soit intervenue au moment crucial des négociations entre la Russie et le Fonds monétaire international (FMI). Ni que Viktor Tchernomyrdine, premier ministre russe, ait choisi ce moment pour effectuer une tournée en Europe.
M. Tchernomyrdine a effectivement été reçu par les plus hauts responsables français et britanniques cette semaine, mais il a également choisi de programmer des rencontres assez inhabituelles, comme celle avec Jean-Claude Paye, secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ou avec Loïk Le Floch-Prigent, président de Gaz de France. M. Tchernomyrdine, ancien responsable du secteur gazier soviétique, devait également effectuer, samedi 4 mars, une visite au CNPF.
Pendant ses déplacements à Paris et à Londres, le premier ministre russe a tenté de convaincre ses interlocuteurs que 1995 serait « un tournant pour la Russie ». Et d’expliquer que son pays avait été contraint de suivre ces dernières années des politiques économiques, aujourd’hui jugées très dommageables, notamment lorsque la Banque centrale a considérablement desserré les rênes du crédit et laissé l’inflation s’envoler. Les prix ont encore augmenté de 12 % en février, et il est peut-être un peu tôt pour déclarer, comme l’a fait récemment le premier vice-premier ministre russe, Anatoli Tchoubaïs, que la spirale de l’inflation a été « brisée ».
Alors que le chef du gouvernement russe se trouve à l’Ouest, le directeur général du FMI, Michel Camdessus, s’apprête à entamer une tournée à l’Est, la semaine prochaine. Il se rendra d’abord à Kiev, où un accord sur la lettre d’intention permettant le déblocage d’un accord de confirmation (stand-by) de 1,5 milliard de dollars vient d’être signé. M. Camdessus se déplacera ensuite à Moscou. « GRANDS PROGRÈS »
Le directeur du FMI a insisté sur les « grands progrès » récemment réalisés par l’équipe de M. Tchernomydine à propos du budget, de la politique monétaire, et de la gestion du commerce extérieur. Ce double séjour de M. Camdessus en Russie et en Ukraine devrait également permettre de clarifier les relations économiques entre les deux plus grandes Républiques de l’ex-URSS. Le FMI s’apprête à accorder un crédit de confirmation d’une ampleur considérable à Moscou plus de 6 milliards de dollars distribuables en dix-huit mois alors qu’il a déjà versé 4 milliards de dollars depuis l’adhésion de la Russie au FMI en 1992. En dépit de ces visites croisées de haut niveau, l’attitude des investisseurs occidentaux et de la plupart des gouvernements, reste extrêmement méfiante vis-à-vis de la Russie, surtout depuis le « mardi noir » du rouble en octobre 1994 et le conflit tchétchène. Si les déclarations de MM. Tchernomyrdine et Camdessus sont jugées encourageantes, un très long chemin reste encore à parcourir avant que la Russie jette les bases solides de sa stabilisation financière et de son passage à l’économie de marché. « Je dis à tout le monde : dépêchez-vous », a déclaré le premier ministre russe à Londres, en estimant que son pays pouvait recueillir 12 à 14 milliards de dollars d’investissements étrangers, contre 1 milliard à peine l’an dernier. L’exonération de taxes à l’exportation, dont vient de bénéficier Total, l’un des principaux acteurs français en Russie, suffira-t-elle à convaincre ses dirigeants d’augmenter leurs mises de fonds ?
FRANCOISE LAZARE