A EN CROIRE le ministre russe de la défense, « le gros des rebelles tchétchènes » a été éliminé, ce qui n’empêche pas son armée de poursuivre son oeuvre de destruction systématique de la petite République. Pavel Gratchev est, en revanche, moins triomphant en ce qui concerne les efforts déployés depuis maintenant plusieurs mois par le contre-espionnage russe pour retrouver le chef de ces rebelles, Djokhar Doudaev. Malgré deux avis de recherche, des appels systématiques à la délation et une « diabolisation » permanente du général rebelle, ni l’armée, ni le FSK (l’ancien KGB), ni le ministère de l’intérieur ne parviennent à localiser l’ennemi public numéro un. « Il est en mouvement perpétuel », expliquent, avec gêne, les professionnels du contre-espionnage.

Apparemment, les autorités russes sont les seules à ne pas pouvoir localiser le président tchétchène. A la fin du mois de février, les téléspectateurs russes ont ainsi pu voir Djokhar Doudaev pendant plus d’une heure sur les écrans de la chaîne nationale. Députés, hommes d’affaires, journalistes, récemment encore des étudiants de Harvard et leurs professeurs, n’ont eu aucune difficulté, non plus, à rencontrer le « chef des rebelles » ou à s’entretenir avec lui par téléphone satellite. Peut-être ne faut-il voir là qu’« un simple problème technique », relèvent les Izvestia : les Tchétchènes « mafieux » ne sont-ils pas à la pointe de la technique en matière de communications ? Pis : les forces russes, y compris le FSK, ont vu leurs conversations radio interceptées par les indépendantistes. Dans le meilleur des cas, puisque de nombreux reportages ont décrit les malheureux soldats russes dans l’impossibilité de communiquer avec leur commandement, par manque de matériel adéquat. Sans parler des officiers dépêchés à Grozny sans carte des lieux et sans aucune idée de la route à suivre.

Les responsables du FSK se consolent en affirmant avoir réussi à établir « un puissant réseau de correspondants » en Tchétchénie. C’est, peut-être, grâce à ces connexions qu’a été opérée, le 17 février, l’arrestation de l’un des quatre frères de Djokhar Doudaev, Bekmourza, cinquante ans. Selon le porte-parole du contre-espionnage russe, Alexandre Mikhaïlov, « ce camionneur à la carrière vertigineuse » qui fut propulsé par son frère au poste de conseiller du président, chargé des cadres, vient d’être transféré à la prison de Lefortovo, dans la capitale russe. Enfin, comme le rapportait Radio-Svoboda, les forces du ministère de l’intérieur auraient réalisé un second exploit en tuant un autre membre de la famille, l’oncle Chamsi, âgé de cent un ans. La rumeur veut aussi que des combattants tchétchènes aient capturé un commando russe qui s’apprêtait à supprimer le fils de Doudaev, soigné dans un hôpital en Tchétchénie.

Pendant ce temps, Djokhar Doudaev court toujours. Les responsables du contre-espionnage russe pourraient toutefois se servir de la « piste » révélée par l’agence Tass : le général rebelle serait « déguisé en civil ».

MARIE JEGO

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