Après avoir achevé d’encercler Grozny, les forces russes poursuivent leur offensive vers le sud de la Tchétchénie et s’attaquent à toutes les localités vers lesquelles se sont repliés, ou risquent de se replier, les combattants indépendantistes.

A Chali, à 25 kilomètres au sud-est de Grozny, où les bombes russes ont tué six personnes, dont deux enfants, les raids aériens n’étonnent pratiquement plus les habitants : les avions semblent avoir pris l’habitude, disent-ils, de lâcher quelques bombes sur la ville au retour, lorsqu’ils reviennent de bombarder les villages du sud. Ils l’ont ainsi fait mercredi et jeudi, tuant plusieurs personnes.

A l’hôpital où étaient soignés, dimanche, les neuf blessés du raid de samedi, Ioussoup, sept ans, est le seul survivant de sa famille. Lorsque la bombe, samedi, est tombée sur sa maison, elle a tué ses parents et tous les membres de sa famille, y compris deux enfants de treize et cinq ans.

Autour de la maison dévastée, d’autres bombes ont laissé des cratères de 10 mètres de diamètre sur la route où les débris d’un camion, tachés de sang et de morceaux de cervelle, sont éparpillés. Jusqu’à 75 mètres à la ronde, on retrouve des éclats fichés dans les murs ou les toits des maisons. « Le garçon de treize ans a été décapité, une autre victime a eu le crâne éclaté, j’ai eu tout juste le temps de plonger à terre », explique Ismaïl Mouskhadjiev, un voisin grièvement blessé, allongé sur un matelas tâché de sang et sans draps, à l’hôpital de Chali.

Une voisine, Khedicht Azdamirova, raconte comment l’un des enfants est mort dans ses bras alors qu’elle tentait de la soigner. « C’était une belle journée, ensoleillée. Les enfants jouaient dans la cour. Aujourd’hui aussi il fait beau. Les avions vont sans doute revenir. Ils viennent toujours quand il fait beau », raconte-t-elle.

Selon un photographe du journal russe Nezavissimaïa Gazeta, au moins onze personnes ont trouvé la mort lorsque les avions russes ont lâché des bombes sur un point d’eau où les réfugiés venaient s’approvisionner.

Les avions qui ont bombardé Chali, samedi, revenaient d’un raid sur une ancienne base soviétique de blindés au sud de Chali qui est toujours aux mains des indépendantistes tchétchènes.

Dix semaines après l’entrée de l’armée russe dans la république indépendantiste caucasienne, les centaines de volontaires, anciens ouvriers, chauffeurs ou commerçants, doivent se résoudre à un minimum de hiérarchie pour tenir. Aujourd’hui les Russes ont conquis Grozny et la guerre s’est étendue à toute la république, une guerre tactique, longue, qui se joue carrefour après carrefour, d’un village à l’autre.

Les Tchétchènes ont dû s’adapter. « On remercie les Russes. Ils nous ont forcés à apprendre la discipline », affirme Aslambek Ismaïlov, commandant du bataillon d’Argoun à 20 kilomètres à l’est de Grozny.

A côté des combattants d’élite comme ceux du chef de guerre Chamil Bassaev, la résistance tchétchène tient encore grâce à l’abnégation d’une véritable armée de sans-culottes : ces villageois passent leur journée à garder les voies de chemin de fer désertes et à se relayer sous le feu des obus russes, selon les ordres reçus.

Chaque village a son commandement, avec son commandant en chef et son chef d’état-major, mais les agents de liaison de cette « armée » n’ont parfois pas de véhicules. Ils font alors de l’auto-stop pour transmettre les consignes d’un village à l’autre.

PETER GRAFF ET BORIS BACHORZ

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