DIRE que les investisseurs étrangers ont soudain tourné le dos à la Russie effrayés par la crise du rouble, puis par le conflit en Tchétchénie serait exagéré. En dépit de grandes déclarations d’intentions, leur présence en Russie était de toute façon limitée depuis l’effondrement de l’URSS en 1991. Ils ont apporté à peine 1 milliard de dollars en 1994 sous forme d’investissements directs, principalement dans le secteur pétrolier, et 2 à 3 milliards de dollars sous forme d’investissements de portefeuille (achats de titres d’Etat ou d’actions d’entreprises privatisées). On peut seulement affirmer que les difficultés récentes de Moscou, qu’elles soient financières, économiques ou militaires, ont interrompu le timide décollage enregistré à la mi-1994. Sans même parler du conflit tchétchène, de nombreux éléments ont récemment jeté un froid, parmi lesquels on retrouve les déclarations maladroites du responsable des privatisations, Vladimir Polevanov destitué depuis , les difficultés de l’adoption du budget pour 1995, la lenteur des tractations avec le FMI, ou l’accélération de l’inflation, qui a atteint un taux de 17,8 % en janvier, contre moins de 5 % par mois à l’été 1994.

Résultat, les apports de capitaux étrangers se sont nettement ralentis ces derniers mois. De 250 millions de dollars en septembre 1994, le volume des investissements de portefeuille sur le marché russe serait tombé à 20 millions au mois de janvier. « Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un montant très faible, et composé en partie de capitaux russes jusque là investis à l’étranger », souligne un spécialiste, qui ajoute que d’importantes prises de bénéfices ont été effectuées récemment.

Plusieurs observateurs du marché russe estiment que la période de fort pessimisme est peut-être déjà terminée, et s’ils disent vrai, le discours de M. Eltsine du 16 février tombe à point nommé. « Cependant, ceux qui attendent la détermination d’une politique économique très libérale risquent d’être déçus, car l’ère Gaïdar [l’ancien vice-premier ministre chargé de l’économie] est révolue », remarque un économiste étranger. La législation sur le marché du pétrole, qui a certes aboli les quotas pétroliers mais en laissant beaucoup de latitude aux administrations locales pour appliquer les textes, donne à penser que la marge de manoeuvre entre libéralisme et conservatisme est grande. Et il n’est pas surprenant que les compagnies pétrolières occidentales, naguère très enthousiastes, soient aujourd’hui beaucoup plus prudentes. Toutes espèrent au moins une clarification des textes.

Les services commerciaux de l’ambassade de France notent, dans une étude, que « la rareté du capital privé et le taux élevé de sa rémunération peuvent justifier des placements en Russie », mais que, « dans tous les cas de figure, l’investissement doit être réduit au strict nécessaire, le partenaire éventuel soigneusement choisi, et le montage juridique soigneusement étudié ».

FRANCOISE LAZARE

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