Des tirs d’artillerie russe contre plusieurs localités tchétchènes ont été enregistrés, mardi 14 février, au lendemain de l’accord de cessez-le-feu partiel conclu dans l’Ingouchie voisine par les commandants militaires des deux parties. Ces tirs violent l’accord qui prévoyait un arrêt immédiat de l’emploi d’armes lourdes et de l’aviation. En revanche, aucun bombardement aérien russe n’a été mené, mardi, pour la première fois depuis des semaines. Ce qui permettait au chef d’état-major tchétchène, Aslan Maskhadov, d’annoncer qu’il se rendrait mercredi, comme prévu, à la frontière ingouche pour la poursuite des négociations. Celles-ci pourraient, selon lui, porter « sur un retrait de 1 kilomètre des deux parties le long des lignes de front ».

Certains Tchétchènes estimaient que cela les obligerait à quitter leurs dernières positions dans la banlieue de Grozny ou à briser l’encerclement qu’ils ont établi autour de forces russes déployées sur un « carrefour stratégique » au sud de la ville. Mais les principales critiques des négociations engagées sont venues du côté russe, et notamment du chef du contre-espionnage, Sergueï Stepachine, un des principaux instigateurs de la guerre.

UN TANDEM SURPRENANT

Ce dernier a déclaré que les discussions n’aboutiraient pas et a rappelé que ses services continuaient à rechercher le général Doudaev, que le chef d’état-major russe Mikhaïl Kolesnikov a récemment appelé à « liquider sans jugement ». Le président tchétchène, toujours qualifié de « chef de bandes criminelles » y compris, mardi à Stockholm, par le ministre des affaires étrangères Andreï Kozyrev est pourtant le commanditaire déclaré des négociations militaires qui se sont ouvertes lundi. Le premier ministre Viktor Tchernomyrdine, en visite en Slovaquie, a, pour sa part, reconnu mardi que Moscou avait « donné son aval à ces négociations », auxquelles il envisage d’envoyer, « peut-être la semaine prochaine », un de ses vice-premiers ministres. Il pourrait s’agir d’Oleg Soskovets, autre membre du « parti de la guerre ».

Alors que les Tchétchènes et les partisans d’une négociation sérieuse demandent que celle-ci soit également menée par un représentant politique du Kremlin, un tel choix confirmerait que rien n’est mûr côté russe. C’est bien ce qu’ont affirmé, lors d’une conférence de presse, mardi à Moscou, deux membres du « parti de la paix », ayant créé un tandem politique surprenant à la faveur du conflit. Il s’agit d’Arkadi Volski, un des chefs des « barons rouges » de l’industrie, et de Konstantin Borovoï, homme d’affaires, député et chef du « parti de la liberté économique ». Ce dernier s’est rendu la semaine dernière auprès de Djohar Doudaev et a ensuite appelé à une reconnaissance internationale de la Tchétchénie.

Les deux respponsables n’ont pas dit clairement si ce voyage avait été organisé dans le cadre de la mission donnée officiellement à Arkadi Volski par le premier ministre, à savoir rechercher une « troisième force » sur laquelle Moscou pourrait s’appuyer pour organiser des « élections libres » en Tchétchénie avant la fin de l’année. Tout en affirmant avoir obtenu de « grands résultats » sur cette voie, M. Volski s’est montré surtout alarmé par d’éventuelles sanctions économiques internationales contre la Russie.

M. Borovoï, pour sa part, a dénoncé le « coma » qui frappe le Kremlin, paralysé par la multitude de centres de pouvoir « Eltsine, son entourage, son administration, son gouvernement, les militaires, l’ex-KGB, etc., tous guidés par leurs intérêts immédiats ». MM. Volski et Borovoï ont prédit une « catastrophe » en Russie si la guerre se poursuivait. La Russie, selon leurs experts, a déjà perdu 40 milliards de dollars dans ce conflit, si l’on tient compte des crédits reportés, notamment ceux du FMI, et de la fuite des capitaux russes et étrangers.

SOPHIE SHIHAB

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