Les Russes ont coupé, le 3 février, la principale route de ravitaillement des combattants tchétchènes, qui tiennent un tiers de Grozny, tandis que l’OSCE a adopté, avec l’aval de Moscou, un document symbolique demandant un « cessez-le-feu immédiat pour empêcher une catastrophe humanitaire ».

Appuyées par des bombardements aériens et des attaques d’hélicoptères, qui se poursuivaient samedi 4 février, les forces russes se sont emparées, vendredi, d’un carrefour stratégique à une douzaine de kilomètres au sud-est de Grozny, coupant la principale route de ravitaillement des combattants tchétchènes qui tiennent encore les quartiers sud-est de la capitale, selon l’envoyé spécial de l’AFP, Sebastian Smith.

Armés de kalachnikovs et de lance-roquettes antichars, une centaine de combattants tchétchènes étaient regroupés, vendredi 3 février, au sud de ce carrefour pour contre-attaquer. Pour soutenir la percée de son infanterie et de ses chars, l’aviation de l’armée russe a violemment bombardé la capitale, après une accalmie de quelques jours.

A Grozny, les forces tchétchènes tiennent toujours, malgré un déluge d’obus, au moins un tiers de la ville, au sud de la rivière Sounja, qui marque la ligne de front. A l’est de la capitale tchétchène, les villes d’Argoun (16 kilomètres à l’est) et de Goudermes (30 kilomètres) résistent toujours avec détermination, même si les combattants y manquent d’armes, selon l’AFP. A l’ouest de la capitale, les forces russes n’ont toujours pas réussi à s’emparer de Samaskhi, à une trentaine de kilomètres de Grozny, rapporte Reuter. Attaquée en début de semaine par une colonne blindée russe, cette bourgade a été durement bombardée par les Russes après une contre-attaque victorieuse des forces tchétchènes. Les Tchétchènes contrôlent aussi tout le sud du pays, les villes de Chali, Stari Atagui, au pied du Caucase, sans parler des montagnes elles-mêmes, refuge traditionnel de la résistance tchétchène à la conquête russe.

Même si les forces russes ont effectué, vendredi, une percée, en passant entre les points de force de la résistance tchétchène, tentant visiblement d’isoler Grozny des autres bastions tchétchènes, le « nettoyage » de la petite République pourrait encore durer des semaines, voire des mois, alors que les Russes ont concentré des moyens énormes face à quelques poignées de combattants.

De plus, à l’image des raids actuellement menés de nuit par les Tchétchènes, les « zones contrôlées » par les Russes risquent ensuite d’être la cible d’actions de commando. Cette « insécurité» a déjà fait déraper Moscou dans la répression aveugle. Suspectés d’être des combattants, les civils sont arrêtés, détenus, parfois torturés, dans des « centres de tri » (Le Monde des 2 et 3 février).

Malgré la poursuite de la guerre à outrance, l’Organisation sur la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) a adopté, vendredi à Vienne, avec l’aval des Russes, un « document » sans caractère juridique, mais qualifié d’« inespéré» par des diplomates. Ce texte « souligne la nécessité urgente d’un cessez-le-feu immédiat pour empêcher une catastrophe humanitaire ». Moscou refuse toute trêve depuis le début des opérations, le 11 décembre 1994.

Même si elles exécutent les ordres, les forces russes semblent plus audacieuses dans leurs protestations contre la guerre que la communauté internationale. Anatoli Koulikov, le général du ministère de l’intérieur devenu commandant des « opérations de police » en Tchétchénie, s’est déclaré « pas trop content » de ses nouvelles fonctions. Le général de l’armée russe Lev Rokhline, l’un des plus connus des opérations en Tchétchénie, a indiqué à l’hebdomadaire Argoumenti i Fakti avoir refusé le titre de « héros de la Russie », le plus prestigieux à l’heure actuelle. Contredisant la thèse officielle de l’« opération de police contre des bandits armés », le général estime que le conflit en Tchétchénie est « une guerre civile ». Critiquant violemment les hommes politiques russes « mafieux », le général Rokhline affirme que des prisonniers russes se sont même mis à se battre du côté tchétchène.

JEAN BAPTISTE NAUDET

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