A la suite d’un débat d’urgence, jeudi 2 février à Strasbourg, sur le conflit en Tchétchénie, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a décidé de renvoyer à une date « ultérieure » le processus d’adhésion de la Russie, qui devait s’engager à partir du mois de mai. Ne cherchant pas à éviter les critiques sur l’intervention en Tchétchénie, les parlementaires ont cependant demandé que la porte du dialogue « reste ouverte ».

Le gouvernement russe peut respirer. La procédure d’adhésion de la fédération de Russie au Conseil de l’Europe est « suspendue » en attendant que la crise tchétchène trouve, au moins, un début de règlement. Mais l’assemblée parlementaire de l’organisation paneuropéenne, qui débattait jeudi 2 février des conséquences de la crise tchétchène sur ses relations avec Moscou, a pris toutes les précautions pour laisser la porte grande ouverte à la Russie, dès qu’on aura un peu oublié les désordres d’aujourd’hui.

Finalement, les Occidentaux peuvent être soulagés que l’intervention tchétchène ait eu lieu avant que la Russie ne soit admise au Conseil. Il était à l’origine prévu que tout soit bouclé avant le mois de mai, date à laquelle les Tchèques doivent assumer la présidence tournante du comité des ministres de l’organisation. Or, il ne fait pas mystère que contrairement à beaucoup de gouvernements occidentaux, prêts à écorner leurs grands principes en matière de droits de l’Homme pour plaire à Boris Eltsine, les Tchèques, comme tous les pays de l’ancienne zone d’influence de l’URSS, sont infiniment plus méfiants à l’égard de Moscou.

La guerre en Tchétchénie a bouleversé le scénario d’origine. Il a bien fallu se rendre compte que les conclusions remises en octobre dernier par les experts de droit international, qui ont porté un constat sévère sur l’état de démocratie de la Russie de Boris Eltsine, avaient été enterrées un peu tôt. L’empressement à l’égard de Moscou de la part d’une organisation dont la spécificité est d’être le gardien du temple des grandes valeurs humanitaires européennes devenait un peu difficile à assumer, alors que se poursuivait l’intervention russe.

MICRO COUPÉ POUR JIRINOVSKI « L’important est que le dialogue soit maintenu », confiait avec soulagement, jeudi soir, après le débat de la Haute Assemblée, un « observateur » russe. Moscou s’est fait rappeler à l’ordre. Mais la Russie a sauvé l’essentiel, en jouant habilement sur plusieurs registres. Vladimir Jirinovski, le leader ultranationaliste, était là dans le rôle du diable. Il est intervenu dans le débat, conforme à son style, pour défendre « son ami Boris Eltsine » et l’intervention en Tchétchénie. Et comme il se doit, le président Miguel Angel Martinez lui a coupé le micro dans la seconde même où son temps de parole réglementaire était écoulé.

Avant lui, les chefs de la délégation russe avaient longuement plaidé en faveur de la patience. Le vice-président de la chambre haute du Parlement, Ramazan Abdulatipov, avait reconnu qu’il était difficile de respecter le calendrier prévu, mais il a défendu la nécessité pour la Russie de maintenir son intégrité territoriale. « Une superpuissance nucléaire en pleine décomposition serait un grand danger », avait-il souligné. « Il n’est pas question de blanchir notre armée », avait surenchéri Vladimir Loukin, chef de la délégation de la Douma, tout en insistant sur la nécessité de renforcer les forces démocratiques.

Les parlementaires russes ont eu gain de cause. Moscou craignait un « gel » des relations. Convaincue que ce serait une erreur de « laisser la Russie à la porte », selon le sentiment exprimé par de nombreux orateurs, l’Assemblée parlementaire s’est contentée, par un vote acquis à la quasi-unanimité, de « suspendre la procédure concernant son avis statutaire sur la demande d’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe».

HENRI DE BRESSON

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