Et la guerre va continuer, parce que les Russes paraissent décidés à faire payer très cher aux Tchétchènes leurs velléités d’indépendance, et parce que ceux-ci n’ont, dès lors, d’autre choix que celui des armes. S’ils avaient des doutes et ils furent un moment tentés par la négociation , le comportement des troupes russes en terrain conquis les leur aura enlevés. L’armée russe mène une politique de terreur systématique. Tortures et exécutions sommaires de détenus ; tirs à bout portant dans des groupes de prisonniers ; grenades lancées dans des caves où se réfugient des civils ; enlèvements, ratissages et autres « ratonnades » : tous les témoignages concordent et rappellent les pires moments de la guerre que les Russes menèrent en Afghanistan. Il est un peu trop facile d’exciper du caractère despotique et mafieux bien réel du pouvoir du général Doudaev pour justifier d’exactions contre tous ceux qui s’opposent au rouleau compresseur russe.
Les Occidentaux doivent en tirer les leçons. Aucun de leurs discrets avertissements, aucune de leurs timides remontrances au président Boris Eltsine n’a été pris au sérieux. Depuis quelques mois, tout s’est, au contraire, passé comme si les Russes avaient interprété comme une manière de feu vert la tolérance manifestée à leur égard par les Occidentaux. Face à la logique de guerre totale qui paraît animer les Russes en Tchétchénie, les Occidentaux ne peuvent plus continuer à se réfugier derrière l’argument qu’ils ont longtemps mis en avant : il s’agit d’une « affaire intérieure russe ».
Il s’agit de bien plus que cela. Il s’agit d’une affaire qui révèle que les tendances lourdes du pouvoir russe mépris absolu des droits de l’homme et refus du règlement négocié des conflits, bref : continuité de la tradition dictatoriale n’ont encore été entamées que très superficiellement. Il faudrait en tirer les conséquences. Tant que la terrible répression en cours en Tchétchénie se poursuit, Boris Eltsine ne devrait pas être autorisé à venir siéger au prochain sommet du G-7, la Russie ne devrait pas être acceptée au Conseil de l’Europe, les efforts pour l’associer à l’OTAN par le biais du Partenariat pour la paix devraient être interrompus et les accords d’association avec l’Union européenne devraient être gelés. Aucune des portes que la Russie veut forcer pour être admise dans la famille des vraies démocraties là où l’on ne bombarde pas ses « propres » villes ne devrait lui être ouverte.