Une mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) composée de quatre personnes s’est rendue à Moscou et en Tchétchénie pendant une semaine pour « s’informer » sur la situation. Sans s’immiscer dans les « affaires intérieures russes », l’OSCE est habilitée à vérifier l’attitude d’un pays membre avec les engagements pris en matière de droits de l’homme.

Les délégués de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) « sont des gens très bien élevés et l’on m’a empêché de les accompagner pour mieux les berner », a déclaré lundi 30 janvier à Strasbourg, Sergueï Kovalev, ancien conseiller de M. Eltsine pour les droits de l’homme. Au retour d’une visite « guidée » de trois jours dans les zones contrôlées par les Russes en Tchétchénie, le chef de la délégation de l’OSCE, le Hongrois Itsvan Gyarmati, a, lors d’une conférence de presse à Moscou, constaté sur un mode très diplomatique ce que chacun sait déjà. Sauf, semble-t-il, le nouvel administrateur russe de la Tchétchénie, Nikolaï Semionov, qui a déclaré n’avoir « pour le moment pratiquement aucune information sur la situation » ; il sait seulement qu’« il faut mener des négociations avec tout le monde à l’exception de Djokhar Doudaev », le président indépendantiste tchétchène.

Arrivée plus d’un mois et demi après le début de la guerre, la mission de l’OSCE peut affirmer qu’en Tchétchénie les opérations militaires (russes, sans doute) sont « disproportionnées et indiscriminées », les villes « bombardées » et les droits de l’homme « gravement violés ». La situation humanitaire à Grozny est « catastrophique » : faute de cessez-le-feu, des dizaines de milliers de civils (et des blessés) sont prisonniers des combats, réfugiés sans nourriture ni chauffage dans les caves de Grozny, a dit M. Gyarmati, s’abstenant soigneusement de souligner les responsabilités de Moscou. L’OSCE n’a rencontré aucun représentant des indépendantistes (qu’elle verra « une autre fois ») et n’a apparemment pas été autorisée par les Russes à se rendre en Ingouchie voisine. Mais les autorités de Moscou « nous ont montré ce que nous voulions » voir, a déclaré le chef de la délégation.

Le seul résultat concret est que la mission « va recommander » jeudi au Conseil permanent des ambassadeurs de l’OSCE de « lancer un appel » à un cessez-le-feu humanitaire, déjà demandé publiquement depuis longtemps par le Comité international de la Croix-Rouge. Elle va aussi « recommander » la poursuite de la « coopération avec la Fédération de Russie » et des visites de l’OSCE « au niveau des experts », ainsi qu’une augmentation de l’aide humanitaire (freinée par Moscou).

MAUVAIS TRAITEMENTS

Tout en ne se mêlant pas des « affaires intérieures de la Russie », M. Gyarmati a estimé « nécessaire de rétablir l’ordre constitutionnel », selon l’expression favorite des autorités russes, avant de procéder à « des élections », qui sont, selon lui, « possibles avant la fin de l’année ». La mission de l’OSCE a aussi pu voir une cinquantaine de Tchétchènes détenus par les Russes dans des wagons à Mozdok, sur un nombre total de prisonniers qui reste inconnu. M. Gyarmati n’a pu confirmer que ces Tchétchènes avaient été torturés par les Russes, mais d’autres membres de la délégation ont fait état de mauvais traitements. La mission n’a pas obtenu de garanties russes sur l’accès de la Croix- Rouge aux détenus, ni, semble-t-il, sur ce cessez-le-feu humanitaire qu’elle « recommande ».

Les dirigeants russes ont d’autres idées en tête. L’armée « se prépare à la dernière étape de son intervention à Grozny », a annoncé lundi le service de presse du Kremlin. Une nouvelle division blindée progressait lundi dans l’ouest de la Tchétchénie, apparemment pour isoler Grozny du sud de la République, qui reste aux mains des indépendantistes, selon les envoyés spéciaux de l’AFP sur place. Les forces russes ont poursuivi leur pilonnage et leurs attaques aériennes sur la capitale et les autres régions contrôlées par les indépendantistes.

JEAN-BAPTISTE NAUDET

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