Secrétaire général de l’OSCE, Wilhelm Höynck reconnaît que « des pressions trop voyantes sur une grande puissance ne mènent qu’à la catastrophe ». Mieux vaut agir par la persuasion. C’est pourquoi l’intitulé même de la mission conduite par l’ambassadeur hongrois Itsvan Gyermati (la Hongrie assume pour un an la présidence de l’OSCE) n’est pas autrement précisé pour ne pas risquer de choquer les Russes. La démarche de l’OSCE, à laquelle les ministres des affaires étrangères de l’UE ont laissé la priorité, s’appuie sur trois textes : les mesures de confiance entre l’Est et l’Ouest, qui supposent l’information préalable sur les mouvements de troupes, le traité sur les forces classiques en Europe (CFE) qui limite le déploiement de certaines armes dans la région du Caucase et le « code de bonne conduite » adopté au sommet de Budapest. En tentant de réduire par la force la sécession tchétchène, Moscou a violé l’esprit sinon la lettre de ces engagements.
Quel que soit le bien-fondé des remarques de l’OSCE, son efficacité dépend d’abord de la bonne volonté de ses interlocuteurs. En conjuguant ses efforts avec d’autres organisations internationales (l’UE, l’ONU, le Conseil de l’Europe, etc.), elle peut obtenir quelques résultats, comme quand elle fit des recommandations pour résoudre le différend entre les Républiques baltes et leurs minorités russophones.
HANDICAP
L’OSCE pourrait être chargée d’une mission plus ambitieuse dans une autre région de l’ex-URSS, puisque le sommet de Budapest a décidé le principe d’une force internationale de maintien de la paix, sous ses couleurs, dans le Haut-Karabakh que se disputent l’Arménie et l’Azerbaïdjan. La mise en oeuvre de ce projet est liée à deux conditions l’existence d’un cessez-le-feu (il tient à peu près depuis quelques mois) et celle d’une solution politique (qu’il reste à trouver) et à des difficultés matérielles. Cette force compterait plus de 3 000 hommes, et son coût se situerait dans une fourchette de 150 à 200 millions de dollars par an. Au siège de l’OSCE à Vienne, on ne sait pas encore qui paiera ni qui fournira les soldats, étant entendu qu’un seul pays ne devrait pas en proposer plus d’un tiers, à la demande de l’Azerbaïdjan, qui ne veut pas d’un contingent entièrement russe même repeint aux couleurs européennes.
Si cette opération avait lieu, elle rehausserait le statut de l’OSCE handicapée par le manque de moyens et par la règle du consensus. Les Russes n’ont pas intérêt à bouder une organisation dans laquelle ils peuvent traiter des affaires européennes avec un droit de veto, et c’est pourquoi ils ont fini par accepter une mission sur la Tchétchénie. Du côté occidental, les Américains ont été longtemps réticents à l’égard d’une institution considérée comme une rivale de l’Alliance atlantique, mais ils ont compris qu’ils pouvaient l’utiliser pour maintenir un dialogue avec Moscou, tout en étendant l’OTAN vers l’Est. La Russie et les Occidentaux pourraient donc avoir le même intérêt, fût-ce pour des raisons opposées, à renforcer l’OSCE. Ce constat vaut bien une mission en Tchétchénie…
DANIEL VERNET