Dans les Etats de la CEI, la lutte contre l’inflation a été moins efficace. Des points ont été marqués ici ou là, mais sans tendance durable. En Russie, le rythme mensuel de la hausse des prix a été ramené aux environs de 4 % à 5 % durant l’été, après avoir oscillé entre 13 % et 20 % en 1993. Une baisse qui couronnait les efforts des autorités (limitation du crédit, relèvement des taux de l’escompte, devenu, en février 1994, positif en termes réels et compression des dépenses budgétaires). Mais la confiance est absente, et les anticipations inflationnistes demeurent fortes : au dernier trimestre 1994, la hausse des prix retrouvait les niveaux de 1993, et le rouble était atteint de nouveaux accès de faiblesse, après un semestre de relative stabilité.
EMPRUNTS HYPOTHÉTIQUES
L’intervention militaire en Tchétchénie a fait grimper de quelques degrés les incertitudes sur l’avenir immédiat de la Russie, à telle enseigne que les investissements de portefeuilles étrangers, qui s’élevaient chaque mois depuis l’été à 500 millions de dollars en moyenne, sont brutalement tombés à moins de 100 millions en décembre et 20 millions en janvier. Une chose est sûre néanmoins : le coût des opérations militaires et celui de la reconstruction de l’économie tchétchène pèseront lourd sur le budget de 1995, dont le déficit devrait, en outre, être financé pour près des trois quarts par des emprunts extérieurs, désormais hypothétiques. Aussi doit-on s’attendre à une mise en veilleuse des objectifs concernant l’inflation.
Par contraste, l’Ukraine semblerait presque plus attractive. Sa banque centrale est d’ailleurs parvenue, en bloquant le crédit, à débarrasser le pays de l’hyperinflation qui, à son apogée en décembre 1993, s’était chiffrée à 90,8 %. Mais si l’indice des prix a enregistré une forte décélération à l’été 1994, il a connu une nouvelle envolée en octobre-novembre avec la reprise des aides à l’agriculture, la réduction des subventions aux prix des biens et services de première nécessité, le versement d’aides aux plus défavorisés et, surtout, le financement d’un déficit budgétaire qui se montait à 19,3 % du PIB à la fin du troisième trimestre. Mais il s’agit là d’un retard à l’allumage qui ne devrait pas entamer la détermination des dirigeants ukrainiens à poursuivre un programme de réformes encore tout neuf, avec ou sans aide occidentale.
Le sentiment d’urgence est également présent au Kazakhstan, où il a motivé un changement de gouvernement début octobre 1994, les nouveaux promus s’engageant à mettre enfin en application une thérapie de choc à la russe et à limiter la hausse des prix à 5 % par mois au premier trimestre 1995, contre 30 % environ en 1994. En revanche, en Biélorussie, l’immobilisme des équipes qui se sont succédé au pouvoir se solde par une véritable faillite économique : avec un taux d’inflation annuel de l’ordre de 2 600 %, ce pays se trouve aujourd’hui au point où en était l’Ukraine il y a un peu plus d’un an, mais sans présenter les mêmes prémices d’un retournement de tendance.
La situation varie tout autant entre les petits pays de la CEI. Certains, comme la Moldavie ou le Kirghizstan, ont avancé de quelques pas sur la voie de la stabilisation, mais sans que l’on puisse affirmer, du fait de leur grande vulnérabilité aux chocs extérieurs, qu’ils pourront réussir dans la durée. D’autres, comme les Etats de Transcaucasie, en proie à une très forte instabilité intérieure ou engagés dans des conflits armés, sont condamnés à laisser filer leurs indicateurs tant que l’ordre et la paix ne seront pas revenus.
MARIE-AGNES CROSNIER