A Grozny, les indépendantistes tchétchènes se sont repliés, vendredi 20 janvier, le long de la rivière Sounja. Des affrontements ont éclaté près de Khassaviourt, au Daghestan voisin, jusque-là épargné. À la frontière tchétchéno-ingouche, on signale des heurts entre la population et les forces armées russes. La crise tchétchène doit être examinée à Bruxelles le lundi 23 janvier. A Moscou, la Douma a rejeté le projet de budget 1995 qui ne prenait pas en compte le coût de la guerre en Tchétchénie.
« Concernant la stratégie et la tactique des réformes en Russie, il n’y aura pas de changement », réaffirme Boris Eltsine. Anatoli Tchoubaïs, le nouveau vice-premier ministre chargé de l’économie, qui doit se rendre dans quelques jours au Forum économique de Davos, a pour mission de dire qu’« il ne peut être question d’un quelconque changement dans la voie économique suivie par le gouvernement en général et dans le domaine des privatisations en particulier ». Quant au premier ministre, Viktor Tchernomyrdine, il avait déclaré, lundi 16 janvier, dans une allocution télévisée : « Sans équivoque : il n’y aura pas de retour en arrière. »
Ces tirs groupés visent à rassurer les investisseurs étrangers et les financiers internationaux, très inquiets de l’évolution récente du pays. Davantage même que la guerre en Tchétchénie, les déclarations, fin décembre, du nouveau responsable des privatisations, Vladimir Polevanov, avaient semé la panique : il s’était dit favorable à la renationalisation des entreprises « privatisées par erreur », notamment dans les domaines de l’énergie et de l’aluminium, car ces ventes partielles « menaçaient la sécurité nationale ». « Cet homme n’a pas compris son rôle », a tranché Boris Eltsine, le 18 janvier.
PRÊT SOUS CONDITIONS
Une mission du Fonds monétaire internationale (FMI) a entamé, mercredi, à Moscou des discussions avec les responsables russes. Ces négociations, qui devraient durer près d’une semaine, portent sur l’octroi à la Russie d’un prêt stand-by de 6,4 milliards de dollars (34 milliards de francs). Un mémorandum doit être élaboré et signé. A condition toutefois que la Russie soit capable de présenter un budget crédible : vendredi 20 janvier, la chambre basse du Parlement, dont l’une des rares prérogatives reste budgétaire, a rejeté le projet en deuxième (mais pas dernière) lecture, réclamant notamment que le coût de la guerre y soit inclus.
Dans son budget 1995 (231 000 milliards de roubles, soit 323 milliards de francs), la Russie compte sur 64 milliards à 69 milliards de francs de crédits extérieurs pour financer, sans recourir à la planche à billets génératrice d’inflation, les deux tiers d’un déficit fixé à 7,7 % du PIB (71 000 milliards de roubles, soit 95,4 milliards de francs).
UN BUDGET D’AUSTÉRITÉ
Avec la guerre en Tchétchénie, beaucoup d’experts pensent que les dépenses ne pourront être contenues. « Evidemment, nous devrons revoir le budget, car la guerre est très coûteuse », a concédé le ministre des finances, Vladimir Panskov (qui a été nommé au Conseil de sécurité, le nouveau « Politburo ») : pour lui, si la guerre « ne traîne pas », le budget d’austérité de 1995 pourra couvrir le coût de la destruction et de la « reconstruction » de la Tchétchénie. Ce coût, officiellement estimé à plus de 4 000 milliards de roubles (5,3 milliards de francs) pourrait atteindre, selon d’autres sources, 15 000 milliards de roubles, soit plus de 20 milliards de francs. De « nouvelles recettes », assez nébuleuses, doivent être dégagées.
Le marché sanctionne chaque jour le Kremlin. Malgré les interventions de la Banque centrale, le rouble continue de plonger. Satisfait de la libéralisation des exportations de pétrole (dont les modalités restent toutefois peu claires), le FMI devra juger si le projet de budget anti-inflationniste est réaliste, notamment si, comme le dit Boris Eltsine, la guerre est « presque terminée ». Faute de quoi, ses crédits pourraient être engloutis avec l’inflation (16 % en décembre) ou servir à financer les « opérations de simple police ».
JEAN-BAPTISTE NAUDET