Les négociations menées, mardi 17 janvier à Moscou, entre le premier ministre russe, Viktor Tchernomyrdine, et les représentants du président Doudaev ont abouti, selon les deux parties, à un accord de cessez-le-feu qui devrait entrer en vigueur mercredi 18 janvier au soir. L’aviation russe a toutefois continué, mardi, de bombarder Grozny, et des hélicoptères russes tirent désormais des roquettes sur le centre de la ville. Selon des sources hospitalières, les pertes militaires russes seraient beaucoup plus lourdes qu’annoncées officiellement. A Genève, le secrétaire d’Etat américain, Warren Christopher, qui s’est entrenu, mardi et mercredi, avec son homologue russe, Andreï Kozyrev, a appelé la Russie à « rechercher la réconciliation en tenant compte des vues des Tchétchènes ». « Si cette tragédie continue, cela aura des conséquences défavorables dans l’opinion publique et au Congrès », a-t-il averti.

Même si l’espoir persiste, on peut s’interroger sur la sincérité des nouvelles offres de paix faites par Moscou aux indépendantistes tchétchènes. Mardi 17 janvier, après les premiers contacts directs de haut niveau entre belligérants depuis l’entrée des troupes russes dans la petite République du Caucase, la probabilité semblait forte qu’il ne s’agisse que d’une nouvelle manoeuvre, destinée à faire baisser la pression nationale et internationale.

A l’issue d’une brève rencontre à Moscou entre le premier ministre russe, Viktor Tchernomyrdine, et deux responsables tchétchènes, le service de presse du gouvernement russe a publié un communiqué qui « oublie » de mentionner ce qui était apparu comme le principal résultat de ces « consultations non officielles », c’est-à-dire un « accord de principe pour un cessez-le-feu ». Le communiqué revient à la case départ : il lie le cessez-le-feu au désarmement des indépendantistes. Les seules discussions possibles « ne peuvent porter que sur l’arrêt du bain de sang, les procédures de remises ou destruction des armes et la dissolution des bandes armées illégales », a déclaré M. Tchernomyrdine, selon ce texte publié par l’agence Itar-Tass.

Alors que le premier ministre avait proposé la veille des négociations et un cessez-le-feu, le communiqué souligne que M. Tchernomyrdine a reçu les représentants tchétchènes, « à leur demande », et qu’il « n’y a pas eu de promesse de rencontre personnelle, ni de garanties pour l’avenir politique » pour le président Doudaev. Bref, selon ce texte, Moscou « offre une dernière chance » aux Tchétchènes « de prouver leur désir de faire cesser l’effusion de sang ».

RIEN À OFFRIR

La Russie semble, elle, ne rien avoir à prouver ni à offrir. Le ministre tchétchène de l’économie, Teimaz Aboubakarov, et le procureur général, Ousman Imaev, représentants du président Djokhar Doudaev, venus négocier à Moscou, avaient compris quelque chose de très différent : « Nous sommes parvenus à un accord de principe sur un cessez-le-feu et l’arrêt des actions militaires, qui doit être suivi de pourparlers », avait annoncé M. Imaev après les négociations. Ce cessez-le-feu est censé entrer en vigueur, au plus tôt, mercredi 18 janvier dans la soirée, après le retour de la délégation en Tchétchénie. « En principe » car, dans la pratique, les troupes russes ont poursuivi mardi, comme si de rien n’était, leur offensive sur Grozny et leur pilonnage, notamment aérien, de la Tchétchénie, malgré les promesses de Boris Eltsine. Avant que la « nouvelle » de l’accord de principe ne soit connue, Sergueï Stepachine, le chef des services de contre-espionnage (FSK, héritier du KGB), s’est déclaré opposé à des négociations politiques avec les indépendantistes, estimant que seules les conditions de désarmenent des « bandes armées illégales » étaient négociables. Le communiqué du gouvernement dit la même chose.

Ces divergences entre les bonnes intentions affichées par Moscou et la triste réalité ne sont pas nouvelles.

Déjà, un cessez-le-feu de quarante-huit heures, négocié le 10 janvier par le délégué présidentiel russe aux droits de l’homme Sergueï Kovalev, s’était transformé, dans un communiqué officiel russe en forme d’ultimatum. Sur le terrain, les « opérations de police » s’étaient poursuivies de plus belle. Les réactions internationales favorables aux annonces de Moscou semblent donc, une fois de plus, prématurées. Le secrétaire d’Etat américain Warren Christopher a invité les Tchétchènes à accepter les offres de Moscou. Il semble qu’il n’y ait rien de nouveau à accepter pour Grozny.

JEAN BAPTISTE NAUDET

Leave a comment