LES BOMBARDEMENTS sur la capitale tchétchène, les plus violents depuis le début de l’intervention russe, ont repris de plus belle dès l’expiration, jeudi 12 janvier, d’une pause relative de quarante-huit heures, présentée comme une trêve par Moscou.
Selon l’agence Itar-Tass, l’aviation russe a également bombardé, au moyen de roquettes, des positions tchétchènes dans les montagnes à l’extérieur de Grozny. Les Russes s’attendent, une fois la capitale prise, à une extension des combats sous forme de guérilla à partir des montagnes du Caucase, au sud de la République. Pourtant, le quotidien Sevodnia, dans son édition de jeudi, évoquait la thèse, complaisamment développée à Moscou, selon laquelle de nombreux villages des montagnes pourraient refuser de coopérer avec la résistance tchétchène, de peur « d’être rasés par les raids aériens de l’aviation russe ».
L’agence Interfax indiquait, jeudi, qu’une colonne de blindés faisait route vers Grozny depuis la République voisine d’Ingouchie, tandis que, selon Itar-Tass, un régiment d’élite d’infanterie de marine a quitté Vladivostok pour rejoindre la Tchétchénie. Selon de hauts responsables militaires, cités par Interfax, l’armée russe préparerait l’assaut « décisif » de la capitale tchétchène pour vendredi ou samedi. Une déclaration du gouvernement russe faisait état, jeudi, des « résultats appréciables » de l’armée ces derniers jours.
D’après un parlementaire russe, l’opération de l’armée en Tchétchénie aurait, de source autorisée, fait 394 morts et plus de 1 000 blessés au sein des forces russes. Mercredi, le député Aivars Lezdynch avait estimé que 1 500 soldats russes « au moins » avaient trouvé la mort depuis le début du conflit, le 11 décembre 1994. Les forces tchétchènes avançaient dans le même temps le chiffre de 18 000 civils tués, pour l’essentiel à Grozny.
NOUVELLES CRITIQUES
Le vice-ministre russe de la défense, le général Boris Gromov, a, une fois de plus, vivement critiqué l’intervention militaire russe en Tchétchénie, accusant l’armée d’utiliser des méthodes barbares et le gouvernement de répandre des mensonges.
Dans un entretien publié, jeudi, dans Les Nouvelles de Moscou, Boris Gromov, le général qui organisa le retrait soviétique d’Afghanistan, explique que l’intervention contre les séparatistes tchétchènes a été lancée sans aucune préparation. Selon lui, l’armée russe est désormais déterminée à écraser la résistance tchétchène quel qu’en soit le coût. « Le recours à des méthodes barbares est le signe d’une armée barbare », a-t-il déclaré, en reprochant aux soldats russes d’utiliser tout l’arsenal conventionnel contre leur propre peuple. Boris Gromov, qui a critiqué à plusieurs reprises l’opération en Tchétchénie, estime que Moscou devrait tenir compte des leçons de sa défaite en Afghanistan.
Il a dénoncé les communiqués de victoire diffusés régulièrement par les autorités russes et démentis immédiatement sur le terrain. « La désinformation est inévitable en temps de guerre. Mais, dans ce cas, elle n’est pas dirigée contre l’adversaire mais contre notre propre peuple », a-t-il ajouté. « On nous a dit que les bandes (tchétchènes) seraient anéanties une fois qu’elles auraient pris la fuite vers les collines. C’est soit une illusion, soit un mensonge délibéré. Souvenez-vous du nombre de victoires que nous avons remportées sur les collines d’Afghanistan », a-t-il rappelé.
Interrogé sur l’organisation de l’opération, Boris Gromov dit ne percevoir « aucune stratégie » et précise que la situation historique, géographique, météorologique et religieuse n’a pas été prise en compte par les experts militaires russes : « Les forces participant à l’opération militaire n’ont pas été préparées moralement, physiquement ou professionnellement. On peut donc être sûr dès à présent qu’il y aura beaucoup de victimes des deux côtés. » (AFP, Reuter, Itar-Tass, Interfax. )