Soumis à une forte pression de l’opinion publique et des parlementaires, le chancelier allemand, Helmut Kohl, a indiqué qu’il avait téléphoné personnellement la veille à Boris Eltsine pour lui faire part de son inquiétude. « Les dirigeants et le Parlement russes sont tenus de trouver une solution en commun accord avec la Tchétchénie pour mettre un terme aux effusions de sang », a déclaré le chancelier dans un communiqué, alors qu’il se trouvait au domicile privé d’Edouard Balladur à Chamonix. Dans un texte au ton peu diplomatique, M. Kohl se dit « profondément inquiet de l’ampleur de l’usage de la force », estimant que les moyens employés sont disproportionnés.
De son côté, la Hongrie, en tant que président en exercice de l’OSCE, devait faire une déclaration officielle sur la question tchétchène. Cette déclaration devait être appuyée par un entretien téléphonique entre le ministre hongrois des affaires étrangères, Laszlo Kovacs, et son homologue russe, Andreï Kozyrev.
La « troïka » de l’OSCE (Hongrie, Italie, Suisse) et celle de l’Union européenne (Allemagne, France, Espagne) ont rencontré jeudi soir les autorités russes pour leur demander des éclaircissements concernant le respect des droits de l’homme dans ce conflit. Selon une source diplomatique à Moscou, la Russie a accepté le principe de consultations sur un règlement du conflit en Tchétchénie dans le cadre de l’OSCE, consultations qui pourraient commencer dès la semaine prochaine. Les ambassadeurs des six pays de la troïka de l’UE et de celle de l’OSCE avaient présenté une « requête » en ce sens auprès du ministère russe des affaires étrangères. A la suite de leurs entretiens, ils ont réaffirmé « l’importance de préserver l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie ». Mais les engagements russes sont restés extrêmement vagues.
Au cours d’une conversation téléphonique avec M. Kozyrev, le secrétaire d’Etat américain, Warren Christopher, a eu la même impression de flou dans la réponse russe. Selon son porte-parole, M. Christopher a renouvelé « le profond désir (de Washington) de voir ce conflit se régler par la négociation ». Il s’est ensuite entretenu, toujours au téléphone, avec M. Alain Juppé, le ministre des affaires étrangères.
La charte de l’OSCE et le « code de bonne conduite » auquel le président Boris Eltsine a formellement souscrit lors du sommet de Budapest en décembre, donne aux pays membres un droit de regard en matière de respect des droits de l’homme. Aucun des Etats membres de l’Organisation (cinquante-deux, sans la Yougoslavie, qui en a été exclue) ne peut s’y soustaire. « Guerre insensée et fratricide » Le commissaire européen pour les affaires extérieures, Hans van den Broek, a annoncé, jeudi, que la Commission européenne avait décidé de reporter la signature du traité provisoire de partenariat commercial. Cet accord devait permettre d’attendre la conclusion d’un véritable traité entre l’Union européenne et la Russie, qui contient un passage sur les droits de l’homme. M. Van den Broek a ajouté que la Commission éprouvait « de graves inquiétudes et même de l’indignation » de voir la question tchétchène, « un problème politique », « abordée avec des moyens militaires ». Il a demandé une réunion des représentants des quinze Etats membres de l’UE pour discuter des actions à mener.
Par ailleurs, les dirigeants de plusieurs Républiques de la Fédération de Russie se sont réunis jeudi à Tcheboksary, capitale de la République de Tchouvachie, pour exiger qu’un terme soit mis à « la guerre insensée et fratricide » en Tchétchénie, a annoncé la présidence tchouvache.
La Tchouvachie, le Bachkortostan, la République de Mari-El, la Mordovie, l’Oudmourtie, le Tatarstan, et la Carélie « condamnent catégoriquement les actions militaires sur le territoire tchétchène », selon un document signé lors de cette réunion. « Il s’agit d’une tragédie pour le peuple tchétchène, mais aussi pour tout le peuple multinational de Russie ». Avec celle de Iakoutie, ces Républiques revendiquent depuis longtemps un statut particulier au sein de la Fédération. Le Tatarstan a, quant à lui, obtenu plus d’autonomie au sein de la Fédération. (AFP, Reuter.)