Avant même ce nouveau raid, le chef de la délégation du CICR à Moscou, Thierry Meyrat, s’était élevé, dans une déclaration au Monde, contre les bombardements « indiscriminés et persistants » de l’aviation russe sur l’ensemble du territoire de la Tchétchénie, alors que les affrontements entre forces indépendantistes et troupes de Moscou sont concentrés autour de et dans la capitale, Grozny. Le président Boris Eltsine avait pourtant promis, la semaine dernière, d’arrêter les bombardements risquant de faire des victimes civiles.
La majorité des quelque 200 000 personnes déplacées en Tchétchénie sont concentrées dans le sud du pays et, toujours selon les estimations du CICR, plus de 100 000 autres personnes ont quitté la petite République (80 000 pour l’Ingouchie et 30 000 pour le Daghestan). Les avions russes ont aussi frappé, mardi, le village ingouche d’Archty, à la frontière tchétchène, tuant une femme et ses trois enfants, selon le chef de l’administration locale, cité par l’agence russe Interfax. Grozny est toujours violemment bombardée, alors que près de 100 000 civils (sur 350 000 à 400 000 habitants avant la guerre) y vivraient toujours, d’après les journalistes sur place. A Grozny, les délégués du CICR ont pu constater qu’au moins deux des hôpitaux de la ville avaient été désertés. Les blessés ont été évacués vers le sud dans les petites villes de Chali et de Stari-Atagui, au pied du Caucase. Ces deux hôpitaux, approvisionnés en médicaments par le CICR, abritaient plus d’une centaine de blessés, avant le bombardement de mardi.
La zone sud du pays, montagneuse, qui n’est pas coupée de Grozny, semble donc déjà servir de base arrière au gouvernement de Djokhar Doudaev. L’éventuelle chute de la capitale ne signifie donc pas un arrêt des combats. Les forces russes, qui ont pénétré par le nord, ont laissé le territoire sans contrôle et se concentrent sur Grozny. Les convois d’aide du CICR peuvent atteindre, par le sud, la capitale tchétchène, attaquée au nord par les forces russes. L’un des premiers convois humanitaire du CICR est ainsi arrivé, mardi, dans le sud de la Tchétchénie en provenance de Géorgie.
Comme le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU, sollicité par Moscou, le CICR rencontre cependant beaucoup de difficultés en raison de « problèmes administratifs » du côté russe pour acheminer l’aide humanitaire, notamment des couvertures, précise M. Meyrat. Le principal problème des déplacés est le froid, car les infrastructures (électricité, eau, chauffage) ne fonctionnent plus en Tchétchénie. Le CICR va aussi fournir une aide alimentaire d’appoint aux familles accueillant les réfugiés. Par ailleurs, le chiffre de cent prisonniers russes, annoncé par les Tchétchènes, « paraît correspondre à la réalité », précise M. Meyrat. Le CICR a visité certains de ces prisonniers et a entamé des démarches pour pouvoir visiter les Tchétchènes détenus par les Russes.
JEAN-BAPTISTE NAUDET