Béret de laine noire sur la tête, bandeau vert des smertniki (volontaires de la mort) au front, ils sont treize à sortir en courant par une issue latérale du palais, se protégeant derrrière les carcasses de blindés russes et traversant les rues ventre à terre. Le petit groupe armé, en tout et pour tout, d’un lance-grenades de deux mitrailleuses légères et de fusils d’assaut Kalachnikov, mais où trois hommes ne font que porter les munitions progresse sur l’avenue de la Victoire, chacun couvrant à son tour le passage des autres devant les rues transversales. « C’est tout le long de cette route que nous les avons arrêtés », explique Zelimkhan Idigov. A vingt-trois ans, il a gagné dans les combats l’honneur de manier le lance-grenades contre les blindés russes : « J’en ai eu six. Il faut attendre le bon moment et tirer sur le moteur ou la tourelle. » « Nous leur avons fait un enfer. Les soldats avaient si peur qu’ils n’osaient pas sortir des blindés, renchérit Saïd. Jamais ils ne prendront cette ville. »
Sur la place, devant la maison de la presse, un BMP (blindé servant au transport de troupes) est immobilisé, touché dans les portes arrière. Six cadavres déchiquetés gisent autour du véhicule, trois autres sont allongés dans l’habitacle taché de sang. Un combattant tchétchène retourne du pied un corps, le soldat a été scalpé. Un peu plus loin un autre a une balle dans la tempe. Tout près, des sourdes détonations font trembler le sol. Des soldats russes sont toujours pris au piège. Les bruits de tirs se font tout proches. Accroupis, adossés à une palissade, Muslim et ses hommes attendent. « Dès qu’il fera sombre, nous les attaquerons et nous en tuerons d’autres. »
STEPHANE ORJOLLET