Bien que, contrairement aux Azéris et à certains peuples d’Asie centrale, les Tchétchènes ne soient pas d’origine turque, Ankara et Grozny sont liés par la religion et par une méfiance historique commune à l’égard de la Russie. De plus, la diaspora tchétchène sur le sol turc (1 500 000) est plus nombreuse que la population de la Tchétchénie (1 200 000). En Turquie, les islamistes, les nationalistes et les immigrés d’origine caucasienne font pression sur le gouvernement pour qu’il intervienne en faveur des Tchétchènes.
Les autorités turques se déclarent « extrêmement préoccupées » par la reprise des bombardements sur les populations civiles et jeudi 29 décembre, le président Souleyman Demirel a affirmé qu’« un Etat ne doit pas attaquer son propre peuple ». Mais politiquement, le sujet est délicat. Quand il s’agit de protéger ses propres frontières, de lutter contre le séparatisme kurde ou de soutenir la Bosnie, la Turquie a souligné à plusieurs reprises l’importance de l’intégrité territoriale des Etats. Les autorités d’Ankara ne peuvent abandonner cette position pour adopter, purement et simplement, la cause des indépendantistes tchétchènes. Elles admettent dès lors que la Tchétchénie est « une affaire interne » russe, tout en exprimant leurs préoccupations « humanitaires ».
Soucieuse de ne pas compromettre davantage ses relations déjà tendues avec Moscou, la Turquie insiste fermement sur le respect du traité sur les forces classiques en Europe (CFE), qui limite le déploiement de l’armée russe dans le Caucase. « L’offensive en Tchétchénie ne doit pas fournir une excuse à la Russie pour dépasser les plafonds prévus par le traité CFE », déclare Sami Kohen, commentateur au quotidien Milliyet.
Le ministre des affaires étrangères, Murat Karayalçin, a signalé que les efforts de Moscou pour créer un gouvernement « sans M. Doudaev… ne contribueraient pas à la solution du problème ». Favorables à une solution négociée, les responsables turcs tentent d’assouplir la position du dirigeant tchétchène qui, dans un entretien publié jeudi par le quotidien Sabah, déclare n’avoir d’autre choix que « l’indépendance ou la mort ».
NICOLE POPE