Dans l’entrée dévastée du ministère de l’économie, en face du palais présidentiel, trois cadavres ont été allongés dans un coin. A quelques mètres de là, devant le restaurant pratiquement rasé de l’hôtel Kavkaz, des traînées de sang témoignent d’autres victimes.
A l’hôpital numéro un, Lisa Ouganova compte les noms sur son cahier des réceptions. « On nous a apporté sept cadavres, et huit blessés. Deux, une femme et un garçon de dix ans, sont morts de leurs blessures dans la nuit. Ils venaient d’un quartier d’habitation, un peu plus loin à l’ouest. Mais, vous savez, il y a probablement beaucoup plus de morts. Ici, explique-t-elle, les gens n’apportent pas leurs morts à l’hôpital. On ne nous apporte que les corps non identifiés. » « Au moins, nous avons de l’électricité, maintenant, poursuit-elle. Pendant plus de vingt-quatre heures, nos médecins ont dû opérer à la lumière des bougies. L’électricité est revenue vers 11 heures samedi soir, mais déjà vers minuit ils recommençaient à bombarder. Qui sait combien de temps ça durera ? », ajoute-t-elle, précisant que l’hôpital n’a toujours pas d’eau, et que le bombardement de minuit a coûté leurs vitres à la moitié des chambres.
Sans chauffage
Comme le reste de la capitale tchétchène, l’hôpital n’a plus de chauffage depuis plusieurs semaines.
Dans le centre de la ville, la foule, essentiellement des hommes mais aussi quelques femmes, généralement russes, s’indignent des bombardements qui touchent sans arrêt des cibles civiles et de l’indifférence de l’Occident. « Quoi ?, c’est maintenant qu’ils s’inquiètent de savoir s’il y a des morts ? Ça fait des semaines que les Russes nous bombardent. Et que disait l’Occident jusqu’à présent : allez-y, c’est votre affaire, faites ce que vous voulez », proteste un vieillard. « Il leur a fallu un mois pour comprendre que cela n’a rien à voir avec le « désarmement de bandes armées », comme disent les Russes, poursuit-il. Ils tuent des civils, c’est tout ! ».
ISABELLE ASTIGARRAGA ET SEBASTIAN SMITH