Les troupes russes déployées en Tchétchénie ont intensifié, mardi 20 décembre, leurs attaques sur Grozny où des tirs d’artillerie pilonnaient des banlieue de la capitale. De nombreux tirs d’artillerie ont été entendus dès l’aube et, en milieu de matinée, les forces de Moscou avaient pratiquement encerclé Grozny.

La veille, trois raids avaient été lancés par l’aviation russe sur la capitale tchétchène, alors que des combats, les plus violents depuis le début de l’offensive russe le 11 décembre, se sont déroulés au nord de la ville. Ces raids ont touché le quartier résidentiel de Minoutka et un pont sur la rivière Soundja, à quelques centaines de mètres du palais présidentiel. Le premier bombardement aurait fait au moins un mort et huit blessés, selon un bilan fourni par des témoins, tandis que les agences de presse russes font état d’un nombre indéterminé de victimes. Depuis deux jours, les autorités de Moscou ont, en effet, cessé de donner le chiffre de leurs pertes, arrêtant le compte à seize. De leur côté, les Tchétchènes, parlent de cent-cinquante soldats russes tués ces derniers jours.

A Moscou, alors que Boris Eltsine se reposait, lundi, dans une de ses résidences de campagne, des membres du gouvernement et du Conseil de sécurité, réunis sous la houlette de Viktor Tchernomyrdine, ont décidé d’« intensifier la liquidation » des séparatistes tchétchènes et d’acheminer des renforts de troupes dans cette république caucasienne, qui a déclaré son indépendance en 1991. Dans la plus pure tradition soviétique rapporte, mardi, le quotidien madrilène El Pais, les participants à la réunion ont fustigé Sergueï Iouchenkov et Grigori Iavlinski, deux des députés envoyés en mission de bons offices, fin novembre, par la Douma à Grozny, les accusant d’avoir touché des mains du président Tchétchène, Djokhar Doudaev, « sept mille dollars chacun ».

Plusieurs appels ont été lancés, lundi, par des personnalités, tant tchétchènes que russes, à M. Eltsine pour qu’il entame de nouvelles négociations. Depuis le début du conflit, le président Doudaev s’est dit prêt, à plusieurs reprises, à engager des pourparlers avec Moscou. Mais il a toujours refuser de revenir sur la déclaration d’indépendance comme l’exige la Russie.

Le mufti de Tchétchénie, Muhammad Hussein Alsabekov, présent à Moscou avec deux autres chefs tchétchènes, a en vain demandé à rencontrer le président Eltsine après s’être entretenu, lundi, avec le vice-premier ministre chargé des nationalités, Sergueï Chakhraï, et le patriarche de toutes les Russie, Alexis II.

D’autre part, l’ancien dissident, Sergueï Kovalev, en mission de médiation depuis plus d’une semaine à Grozny, a lancé un appel pressant à Boris Eltsine pour qu’il donne l’ordre d’arrêter les combats, qualifiant la situation de « tragédie humaine à grande échelle » et a estimé que mardi serait « la journée décisive ». « Considérer l’opération en Tchétchénie comme le désarmement de bandes armées illégales est une erreur, a-t-il souligné. Il s’agit d’un peuple en armes. Si on peut être en désaccord avec ses mythes, ses légendes et la politique de ses dirigeants, on ne peut pas ne pas prendre en considération un peuple. »

Alors que l’armée russe intensifiait son offensive sur Grozny mardi matin, un dispositif de sécurité a, par crainte d’attentats, été mis en place sur les principales artères de Moscou : déploiement de blindés de l’armée et intensification des patrouilles de police dans les stations de métros et les édifices publics. Malgré ces mesures d’intimidations, un sondage, publié lundi par l’agence Itar-Tass, révèle 65 % des Russes sont hostiles à l’intervention militaire en Tchétchénie et 30 % des personnes interrogées considèrent cette république comme un Etat indépendant.

Réunis lundi en conseil à Bruxelles, les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, préoccupés par « l’éventualité d’une déstabilisation de la région » du Caucase, ont demandé l’arrêt de « l’escalade militaire » en Tchétchénie. Pour sa part, le Département d’Etat américain, a exprimé ses « inquiétudes sur la sécurité des journalistes qui couvrent le conflit », demandant « instamment [à Moscou] de régler la crise pacifiquement ». (AFP, Reuter, ITAR-TASS, Interfax.)

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