Le président russe Boris Eltsine a limogé, vendredi 2 décembre, le numéro deux du Service fédéral de contre-espionnage (FSK), Evgueni Sevastianov, sans fournir d’explication. M. Sevastianov était le chef adjoint du FSK, héritier du KGB, et le chef de ce service pour la région de Moscou. Ce limogeage survient alors que le FSK est accusé d’avoir clandestinement envoyé se battre en Tchétchénie des soldats russes, aujourd’hui prisonniers du pouvoir indépendantiste à Grozny.

MOSCOU correspondance

La Tchétchénie a obtenu une victoire diplomatique avec la reconnaissance, vendredi 2 décembre, par une délégation du Parlement russe, de la participation directe de Moscou au conflit armé dans cette petite République indépendantiste du Caucase. Anatoli Chabad, l’un des quatre députés de ce groupe, arrivé jeudi à Grozny pour négocier la libération de vingt et un officiers russes retenus par les partisans de Djokhar Doudaev, a ainsi affirmé que ” le ministère de la défense continue de nier [que les prisonniers appartiennent aux forces russes], mais pour [lui], cette dénégation n’a maintenant plus de raison d’être “.

A la suite de la capture de ces soldats, lors des combats des 26 et 27 novembre, les bombardements sur Grozny se sont multipliés, et le président Boris Eltsine a adressé un ultimatum au dirigeant tchétchène, le général Doudaev. La polémique sur l’identité de ces prisonniers s’est immédiatement amplifiée avec la diffusion, par la chaîne de télévision russe NTV, d’un reportage montrant quelques officiers détenus affirmant avoir été recrutés par le FSK (services du contre-espionnage). ” Nous avons officiellement été mis en congé de l’armée pour raisons familiales “, expliquait un des prisonniers aux Tchétchènes qui l’interrogeaient. ” Pure invention “, rétorqua le général Smoliakov, chef d’un service du FSK. ” Avec les nôtres, deux heures auraient suffi pour prendre Grozny “, expliqua alors le ministre de la défense. ” Uniformes spéciaux ”

Si, en haut lieu, on continue d’affirmer, envers et contre tout, que les officiers russes sont venus ” de leur propre initiative ” prêter main forte à l’opposition, la presse russe publie chaque jour les témoignages des familles des officiers capturés, qui confirment que ces derniers auraient bel et bien été enrôlés ” pour 5 millions de roubles ” (8 600 francs). D’après le quotidien les Izvestia de vendredi, la direction de l’armée se hâterait maintenant de rayer des listes les officiers détenus et de verser ceux-ci dans le corps de réserve.

Les parents d’un tankiste prisonnier, après avoir reconnu leur fils lors du reportage télévisé, ont transmis au quotidien une lettre laissée par le jeune officier dans laquelle il explique avoir signé, le 8 novembre, un contrat avec des représentants du contre-espionnage venus le voir à la caserne. Sa femme aurait reçu dernièrement la visite d’un représentant de la justice militaire qui s’étonnait de son manque à l’appel et menaçait de le considérer comme déserteur.

A Moscou, la plus grande prudence reste pourtant de mise quant au qualificatif qui convient pour désigner les vingt et un prisonniers : ” mercenaires “, dit le ministre de la défense, ” volontaires “, rectifie le FSK, ” otages ” pour Boris Eltsine, et ” hommes en uniforme russe “, d’après un militaire proche du président. D’après les parlementaires russes actuellement en mission à Grozny, il s’agit bien de ” membres de l’armée régulière russe, même si on a donné à certains des uniformes spéciaux “…

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