En Russie, on semble, une fois de plus, avoir pris ses désirs pour des réalités. La chaîne de télévision NTV a annoncé, mardi 27 septembre, que les chars de l’opposition tchétchène étaient entrés dans la capitale, Grozny, et qu’à l’issue de combats le président Djokhar Doudaev ” aurait fui à Beyrouth “. Plus tard, le tableau est apparu très différent. De nouveaux affrontements se sont certes produits mardi dans le nord-ouest de la petite ” République autonome ” et séparatiste de la Fédération de Russie, ainsi que dans les faubourgs de la capitale. Mais celle-ci est restée aux mains du général-président. Ses hommes auraient en outre amélioré leurs positions dans le nord du pays, tenu par l’opposition soutenue par la Russie.

Nouvelles menaces

Un vent de panique a cependant soufflé mardi dans les rangs des partisans de M. Doudaev, qui avaient eux-mêmes commencé les opérations, mardi, occupant les hauteurs qui coupent la seule route ravitaillant, à partir de la Russie, la rive nord du fleuve Terek, fief de l’opposition. Celle-ci a contre-attaqué en direction de Grozny à partir d’un autre de ses fiefs mais n’a pas dépassé les faubourgs de la ville, avant de se retirer. Comme toujours, les combats se sont déroulés entre quelques dizaines d’hommes. Durant une trêve, un procureur tchétchène venu négocier a été fait prisonnier. La population, bien qu’armée, est restée comme toujours résolument à l’écart.

C’est d’ailleurs ce qui inquiète le président Doudaev. Son proche adjoint a appelé, mardi, les Tchétchènes ” à venir défendre la capitale contre l’agression russe “. Selon lui, l’hélicoptère qui a atteint un char du gouvernement est ” venu du territoire russe “.

Mais l’inquiétude des partisans de M. Doudaev s’explique aussi par les nouvelles menaces proférées mardi à Moscou. Le gouvernement russe a annoncé qu’il allait ” faire tout le nécessaire pour assurer la protection des citoyens et rétablir l’ordre constitutionnel sur la terre tchétchène, qui a beaucoup souffert “. Les promesses répétées de Moscou que ” l’armée russe ” n’interviendra jamais en Tchétchénie ne rassurent personne à Grozny, où l’on se souvient des promesses du même genre faites l’an dernier aux Moscovites, avec le résultat que l’on sait. En outre, le vice-premier ministre russe, Sergueï Chakhraï, chargé des questions de nationalités, a été explicite : la Tchétchénie, écrit-il mardi dans un article, faisant partie de la Fédération de Russie, ce sont les troupes du ministère de l’intérieur (dont l’armement ne diffère en rien de celui de l’armée) qui devront y ” rétablir l’ordre “.

Ce jour n’est peut-être pas arrivé. Mais avant la visite de Boris Eltsine à Washington, ses diplomates ont interrogé des membres du Congrès pour connaître leur réaction à l’opération russe ” de restauration de la démocratie ” en Tchétchénie. Selon un expert américain, la réponse fut le plus souvent : ” Qu’est-ce que c’est que la Tchétchénie ? ” La Russie pourrait donc se sentir les mains libres _ au moins pour renforcer son emprise sur la rive nord du Terek, qui fut longtemps la limite de l’avancée de ses Cosaques au XIX siècle. Djokhar Doudaev cherchera sans doute à s’y opposer. Boris Eltsine saura-t-il alors résister aux pressions de ceux qui, dans son entourage, rêvent de rétablir en Tchétchénie ” l’intégrité territoriale ” et le ” prestige de grande puissance ” de la Russie ?

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