MOSCOU de notre correspondant

Irréductible jusqu’à présent, la Tchétchénie est la seule République de la Fédération de Russie à refuser la tutelle de Moscou, qui n’a pas ménagé ses efforts ces derniers mois pour provoquer la chute de son flamboyant président, Djokhar Doudaïev. Mais la Russie, consciente qu’une intervention directe dans les ” affaires intérieures ” tchétchènes risquerait d’embraser tout le Caucase du Nord, se contente pour l’instant d’avertissements musclés et s’appuie sur l’opposition tchétchène pour tenter de déstabiliser le régime de M. Doudaïev.

C’est ainsi qu’une des fractions de l’opposition, le Conseil provisoire, a annoncé mardi 2 août, depuis Moscou, avoir ” destitué le président Doudaïev et assumé le pouvoir “. Ce communiqué envoyé à l’agence officielle russe Itar-Tass est loin cependant de refléter la réalité à Grozny, la capitale tchétchène, où Djokhar Doudaïev paraissait toujours contrôler la situation. ” Tout est calme “, déclarait, mardi, le ministre de l’information, Movladi Oudougov.

Une affirmation corroborée par le témoignage de plusieurs étrangers de passage en Tchétchénie. Un mandat d’arrêt a par ailleurs été lancé contre le président du Conseil provisoire de l’opposition, Oumar Avtourkhanov, actuellement à Moscou, où il tente d’obtenir l’appui des responsables russes. Non sans succès puisque le vice-premier ministre, Sergeï Chakraï, affirmait mardi que le gouvernement russe était prêt à entamer des négociations avec le Conseil provisoire, dont la priorité est ” la normalisation des relations avec Moscou “.

Ce dernier rebondissement intervient quelques jours après une sévère mise en garde du gouvernement russe à l’égard de la Tchétchénie, accusée d’être ” le principal facteur de déstabilisation dans le Caucase du Nord “. Cette République est généralement considérée à Moscou comme le repère des divers groupes criminels qui agissent dans le Caucase.

La dernière prise d’otages dans le sud de la Russie, menée vendredi dernier par des Tchétchènes et au cours de laquelle quatre personnes avaient été tuées, a donné l’occasion aux dirigeants russes de hausser le ton. Mardi soir, le premier ministre russe, Viktor Tchernomyrdine, reconnaissait que les relations entre Moscou et Grozny étaient à ce point détériorées que la Russie avait ” dû prendre des mesures ” _ dont il n’a cependant pas révélé la teneur. En tout cas, les messages implicites de soutien à l’opposition tchétchène se sont multipliés. Samedi dernier par exemple, Sergeï Filatov, le chef de l’administration présidentielle, estimait que la Russie devrait ” soutenir les forces saines qui pourraient apparaître en Tchétchénie “.

Une politique qui n’est pas sans danger, estimait notamment mardi le quotidien Rossiiskaya Gazeta, car la Russie risque d’être ” entraînée dans un règlement de comptes entre groupes de l’opposition, dont aucun n’a une réelle influence au sein de la population “. Et, de fait, les structures claniques propres à la société tchétchène ne favorisent guère la cohésion entre les divers leaders d’une opposition très divisée. _ (Intérim.)

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