Si l’un de ses interlocuteurs n’avait pas cru bon d’avertir la presse et s’il n’avait été vu sortant de l’hôtel Royal Monceau, l’ex-général des forces aériennes stratégiques soviétiques Djohar Doudaev, qui menace périodiquement d’user de l’arme atomique contre ses ennemis russes, aurait fait à Paris une visite d’une discrétion totale.

Au point que le Quai d’Orsay n’en était pas informé et affirmait mardi 15 juin, au lendemain de son arrivée, que, de toute façon, la France n’aurait pas donner de visa à ce président de la Tchétchénie, certes élu au suffrage universel, mais dans une République sécessionniste du Caucase du Nord qu’aucun Etat n’a reconnue. A commencer par Moscou, pour qui la Tchétchénie, son million d’habitants, ses raffineries et ses célèbres mafias, font toujours partie de la Fédération de Russie. Même s’il s’agit du seul Etat de l’ex-URSS à avoir réussi, à ce jour, à se débarrasser totalement de tous ses soldats russes. Qui sont, il est vrai, massés désormais tout autour. Ce qui, étrangement, n’empêche pas le général-président de faire des voyages à l’étranger (le Monde du 26 octobre 1992), qui l’ont déjà conduit dans divers pays musulmans, mais aussi à Londres, et maintenant à Paris. Il y aurait dîné avec des représentants de MM. Léotard et Pasqua, des industriels et quelqu’un de la DGSE. Un dîner organisé par son ” représentant ” en France, un intermédiaire qui tente d’intéresser les grandes firmes pétrolières, d’armement et de travaux publics aux richesses de la Tchétchénie.

Lesquelles, à en croire son président, ne viendraient pas du trafic d’armes ou de drogue, comme on le pense parfois, mais d’énormes réserves de pétrole _ ” auxquelles les Etats-Unis, et M. Clinton personnellement, sont très intéressés. ” Sur place, on avait pourtant tendance à se plaindre de ce que Moscou ait assèché les derniers gisements tchétchènes… Mais il y a d’autres appâts : les MIG, têtes nucléaires, radars et autres bricoles gardées en Tchétchènie et examinables sur place. Les militaires français auraient en tout cas offert au général quelques essais d’appareils, mercredi, sur leur base de Mirages-2000 à Orange.

Les responsables français et les industriels interrogés ont tous affirmé n’avoir eu aucun contact ” officiel ” avec le général Doudaev, tout en admettant, pour certains, qu’il se trouvait bien en France _ du 13 au 16 juin, précisait-on à la réception du Royal Monceau et auprès de son ” service de sécurité ” français du cinquième étage. Ce qui est sans doute préférable pour tout le monde, et en tout cas pour l’opposition démocratique tchétchène _ réduite au silence pour avoir trop dénoncé le comportement de ” tontons-macoutes ” de la garde du président Doudaev, dont les chars ont dispersé les restes du Parlement local le 4 mai dernier.

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