La Russie n’a apparemmentpas l’intention de profiter de son intervention en force dans le conflit entre Ossètes et Ingouches pour remettre du même coup au pas la République ” indépendante ” de Tchétchénie : moins de vingt-quatre heures après l’intervention de l’armée russe en Ingouchie, ordre a été donné aux troupes russes de se retirer des districts ” frontaliers ” que les Tchétchènes considèrent comme leurs. (Jusqu’à la proclamation par la Tchétchénie de son indépendance, l’automne dernier, les deux peuples cohabitaient dans une seule République de Tchétchéno-Ingouchie).

Ce retrait est de nature à calmer les inquiétudes très vives manifestées à Grozny, où le président tchétchène, le général Doudaïev, s’était empressé de sonner l’alarme, lançant même un appel à l’aide au président élu des Etats-Unis, M. Bill Clinton. Ce recul a été décidé à la suite de négociations qui se sont tenues à Nazran (capitale de l’Ingouchie) entre représentants de l’administration provisoire nommée par Moscou et délégués tchétchènes. Elles ont reçu l’aval du premier ministre russe en exercice, M. Egor Gaïdar, qui s’est brièvement rendu sur place.

Dans l’affaire, les Ingouches paraissent perdre sur les deux tableaux, puisque, après avoir dû renoncer à tout espoir de reprendre aux Ossètes la région de Prigorodny, qui leur a été enlevée après leur déportation en masse par Staline, ils risquent de devoir abandonner aux Tchétchènes d’autres régions frontalières contestées.

M. Gaïdar a toutefois déclaré que les Ingouches devraient avoir la possibilité de retourner dans leurs villages situés sur le territoire ossète _ une perspective qui paraît à ce stade totalement irréaliste, puisque leurs maisons ont été systématiquement pillées et brûlées et que, dans l’atmosphère actuelle, toute tentative de retour apparaîtrait comme suicidaire. M. Gaïdar a aussi affirmé que les troupes russes ne pourraient rester ” indéfiniment ” sur place, mais qu’elles ne partiraient pas avant d’avoir fait appliquer les décrets du président Eltsine sur l’état d’urgence.

Des atrocités ” de part et d’autre ”

De leur côté, les Ingouches continuent à dénoncer les massacres commis selon eux par les Ossètes contre la population civile, et en particulier les assassinats d’otages. Un groupe de journalistes russes a lui aussi attiré l’attention sur les conditions extrêmement dures auxquelles sont soumis les otages détenus en Ossétie, et dénoncé par la même occasion la présentation biaisée faite selon eux du conflit par les médias russes, et tout particulièrement par la télévision. Une certaine évolution semble cependant se manifester à ce propos : la télévision russe a montré mercredi soir d’épouvantables images de cadavres mutilés, expliquant que des atrocités avaient été commises ” de part et d’autre “. Le quotidien Rossiiskie Vesti, organe du gouvernement, publie une série de commentaires sur l’intervention russe : le premier ministre estime que ” l’armée a fait son devoir “, et le ministre de la défense, le général Gratchev, déclare que cette intervention était ” indispensable ” pour rétablir la paix.

Mais un lieutenant de l’armée russe exprime son écoeurement devant les ” horreurs ” dont il a été témoin dans les villages ingouches sans que les unités russes n’interviennent, et affirme que lui-même et plusieurs autres officiers ont décidé de quitter l’armée pour ” ne pas se déshonorer “.

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