NALTCHIK (Fédération de Russie) de notre envoyée spéciale

Un lieu fait pour le bonheur : Naltchik, capitale de la République de Kabardino-Balkarie, vit, ou plutôt vivait, de ses ” sanatoriums ” dispersés dans des hectares de parcs, aux lisières de la ville, où les Soviétiques des ” temps heureux ” passaient leurs vacances. Aujourd’hui, des brasiers finissent de se consumer sur l’esplanade, en face du Parlement : un dernier carré de manifestants _ de jeunes kolkhoziens le front ceint du bandeau vert de l’islam _ vont passer encore une nuit de veille ” prêts à mourir ” si les troupes russes interviennent. ” Nous n’avons plus d’autre choix, confie candidement l’un d’eux, pour réveiller le peuple kabarde : avec la télé qui nous traite de drogués nationalistes, même les gens de chez nous ne veulent plus nous écouter. ” Autour d’eux, la ville avait fait craintivement le vide : elle est peuplée en majorité de Russes et de Balkares qui n’ont pas participé au mouvement.

Le 24 septembre, le parquet russe avait arrêté ici le président de la Confédération des peuples montagnards du Caucase, M. Chanibov, un Kabarde. Un meeting à Naltchik draina rapidement 30 000 personnes, ce que n’avait jamais connu cette République ” calme ” où tous les vieux chefs communistes sont restés en place. Des renforts armés y avaient pourtant été déployés dès août par Moscou, parallèlement à l’entrée des forces géorgiennes en Abkhazie.

Malgré un rapport des forces moins favorable qu’en Tchétchénie (les Kabardes ne forment que la moitié de la population de leur République, comme par exemple les Lettons en Lettonie) les manifestants ont tenté de répéter le scénario qui avait réussi l’an dernier chez leurs voisins : ils partirent prendre l’aéroport (pour préparer un détournement) et prirent en otage des soldats et quelques blindés. Mais tout fut rendu après des négociations menées par le ” Congrès du peuple kabarde “, une organisation modérée dirigée par des députés, qui veut une indépendance de la Kabardie sans rupture brutale avec Moscou, en suivant les ” voies constitutionnelles “.

Elle parvint, cette fois-là, à faire cesser le meeting au bout de onze jours, sur de vagues promesses d’absence de répression (M. Chanibov a été entre- temps libéré), de renvoi des troupes russes et d’accès à la télévision locale. Mais rien n’est joué dans cette République où les armes s’accumulent. ” Nous avons des missiles pouvant faire sauter le Parlement “, affirme un jeune businessman actif dans le mouvement, qui roule en Mercedes, ” mais on attendra le moment voulu. ”

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