L’intervention militaire de troupes dépêchées par les autorités de Tbilissi en Abkhazie a atteint son objectif : le drapeau abkhaze a été amené, mardi 18 août, au-dessus du Parlement de Soukhoumi, qui avait proclamé en juillet dernier la ” souveraineté ” de cette République, et remplacé par les couleurs de la Géorgie.

La garde nationale géorgienne a également pris le contrôle des principaux bâtiments publics, de l’aéroport, du port et de la tour de la télévision. Le couvre-feu a été instauré, et de nouvelles autorités provisoires mises en place, tandis qu’on annonçait à Tbilissi-que le président du Soviet suprême (Parlement) d’Abkhazie, M. Vladislav Ardzinba, avait démissionné _ une information d’ailleurs démentie par ses partisans, qui affirment aussi que ” la résistance armée aux forces d’occupation ” est en train de s’organiser.

A la suite de négociations, les autorités géorgiennes avaient, semble-t-il, accepté de retirer leurs troupes de Soukhoumi dans l’attente de cette démission, avant de forcer le dénouement en occupant la capitale avec l’assentiment de certains responsables locaux. Plusieurs dirigeants, évincés ces derniers mois par les nationalistes, en particulier le ministre de l’intérieur Gueorgui Laminadze, ont été remis en place.

La prise de contrôle de Soukhoumi, mardi, s’est apparemment faite sans opposition notable. Cependant, le bilan total de l’intervention déclenchée, vendredi 14 août, atteindrait soixante-dix morts, dont plusieurs enfants tués dans un bombardement, et deux cents blessés, affirme-t-on de source abkhaze. Plusieurs milliers de touristes se sont réfugiés dans la station balnéaire voisine de Sotchi, en territoire russe, où plusieurs navires ont été expédiés pour les évacuer. ” La campagne d’Abkhazie est terminée “, a annoncé mardi le ministre géorgien de la défense, M. Tenguiz Kitovani. Sur un ton moins martial, M. Edouard Chevardnadze a déclaré, au cours d’une réunion du Conseil d’Etat qu’il préside, que tous les problèmes de l’Abkhazie devaient être résolus ” par la voie du dialogue et des négociations ” … Plus précisément, le Conseil d’Etat géorgien suggère que les députés du Parlement d’Abkhazie se réunissent pour décider de l’avenir de leur République. De toute évidence, Tbilissi attend à présent d’eux qu’ils renoncent à la ” souveraineté ” proclamée il y a moins d’un mois, et avance déjà l’idée d’un référendum dont le résultat ne laisse guère de doutes, les Abkhazes, majoritaires au Parlement, ne représentant qu’une minorité de la population.

Les peuples montagnards

En attendant, la mise au pas des ” indépendantistes ” continue à susciter une certaine émotion parmi les autres ” peuples des montagnes ” du Caucase, très sensibles à toute manifestation de ” l’impérialisme “, qu’il soit russe ou géorgien. En Kabarda-Balkarie, des manifestants ont réclamé, sans succès, des armes pour aller soutenir les Abkhazes, tandis qu’à Grozny, capitale de la Tchétchénie, on continue à constituer des listes de volontaires, qui se monteraient à plusieurs milliers de personnes. Toujours à Grozny, la ” Confédération des peuples du Caucase “, une assemblée soutenue par le bouillant président tchétchène, M. Djokhar Doudaev, a lancé un ultimatum aux autorités de Tbilissi, sommées de mettre un terme à l’occupation militaire de l’Abkhazie faute de quoi des ” opérations militaires ” seraient déclenchées contre la Georgie. Ces menaces ne devraient cependant pas avoir de grand effet, M. Doudaev ayant déjà fort à faire pour maintenir son autorité chez lui : l’essentiel pour Tbilissi est que la Russie ait clairement fait comprendre qu’elle ne lui mettrait pas de bâtons dans les roues.

M. Chevardnadze n’a pas non plus grand chose à craindre d’une réaction de l’opinion internationale, préoccupée par des conflits autrement inquiétants pour elle. L’image de l’ancien ministre des affaires étrangères de M. Gorbatchev reste d’ailleurs excellente en Occident, même si l’affaire abkhaze vient opportunément rappeler que l’ex-premier secrétaire du PC géorgien, en dépit de sa voie douce, de ses airs de chien battu et de ses discours remplis de bonnes intentions, n’est pas exactement un enfant de choeur.

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