ALORS que les combats ont pratiquement cessé dans deux des ” conflits d’Europe “, ceux de Moldavie et d’Ossétie du Sud, un nouveau foyer d’affrontements s’est déclaré en Abkhazie, dans le Caucase, région multi-ethnique où couvent bien d’autres situations explosives et où la guerre du Karabakh ne connaît aucun répit.

L’armée russe, qui opère un retrait forcé et partiel des Républiques caucasiennes, a fourni le gros des contingents de ” maintien de la paix ” qui ont fait cesser les massacres en Moldavie et en Ossétie du Sud. Mais il s’agissait là de conflits où les Russes étaient directement impliqués : ils opposaient en effet dans un cas les ” russophones ” de Transnistrie aux Moldaves roumains ; dans l’autre, des Ossètes, amis historiques de Moscou dans le Caucase, aux Géorgiens, auxquels ils résistèrent grâce à divers contingents militaires russes qui ne les ont jamais totalement abandonnés.

IL était donc relativement facile à M. Eltsine, dès lors qu’il en prit la décision politique, de faire taire ses divers alliés ” ultras ” sur place, en remplaçant leurs combattants par des unités de parachutistes russes, baptisées ” forces mixtes de paix “, des forces moldaves et géorgiennes étant chargées du même travail parmi leurs propres ” extrémistes “. Mais en Abkhazie, et ” a fortiori ” dans la terrible guerre qui oppose depuis quatre ans Arméniens et Azerbaïdjanais, la situation est différente.

Les Abkhazes étaient, certes, lors des premiers affrontements de juillet 1989, dans un cas de figure semblable à celui des Ossètes du Sud : leurs dirigeants, vieux communistes, voulaient rejoindre la Fédération de Russie gorbatchévienne pour échapper à une Géorgie en voie d’indépendance. Aujourd’hui, les alliances semblent renversées : Moscou soutient Edouard Chevardnadze contre son prédécesseur à la tête de la Géorgie, le président en fuite Zviad Gamsakhourdia.

SELON la logique ” les ennemis de mes ennemis sont mes amis “, on parle depuis l’hiver dernier d’une possible alliance contre Tbilissi des Abkhazes et des Géorgiens de Mingrélie (ouest de la Géorgie), partisans de Gamsakhourdia. Mais la confusion politique, ajoutée à l’anarchie totale qui règne dans l’ouest de la Géorgie, est telle que les parachutistes russes envoyés en Abkhazie ont pour l’instant pour seule mission d’évacuer les Russes en villégiature sur cette côte de la mer Noire et de protéger les casernes.

S’ils tentaient une mission d'” imposition de la paix ” en intervenant dans les combats, c’est tout le chaudron du Caucase du Nord qui risquerait d’exploser : les Abkhazes pourraient faire appel à leurs cousins ethniques, les ” Peuples montagnards du Caucase du Nord “, qui créent actuellement des détachements armés sous la férule du général tchétchène Doudaev, protecteur de Gamsakhourdia et ennemi irréductible de M. Boris Eltsine dans la région.

Ailleurs au Caucase, l’armée russe est encore moins désireuse et capable d’intervenir entre Arméniens et Azerbaïdjanais, car ses armes _ volées, vendues et transmises officiellement _ ont fait de cet autre conflit une vraie guerre de position. Un commentateur russe estimait lundi qu’il n’y avait aucune accalmie à attendre avant l’épuisement des munitions et la destruction des arsenaux de part et d’autre. Triste prédiction.

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