” La Russie unie a été, est et sera. Le cours de l’histoire russe ne sera pas rompu. ” Ce commentaire du président Boris Eltsine, qui venait tout juste, mardi 31 mars, d’apposer sa signature sur le traité de la Fédération de Russie, est apparu à de nombreux observateurs à Moscou davantage comme un voeu pieux que comme une solide conviction.
Si dix-huit des vingt Républiques autonomes qui font partie de la Russie ont finalement accepté de signer ce texte, dont l’élaboration a pris plus d’un an et demi, le traité de la Fédération a surtout le mérite d’exister, car la portée de son contenu est limitée par les concessions successives que Moscou a dû faire à la volonté d’autonomie manifestée par les diverses entités composant la Russie. Confronté à la menace de désintégration de la Russie, après celle de l’Union soviétique, M. Eltsine a d’une certaine manière réussi là où l’ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev avait échoué, puisque le projet du traité de l’Union avait été anéanti par le putsch d’août 1991 et ses suites.
Le refus de deux Républiques
Plus de deux cents dirigeants des entités administratives de Russie, Républiques autonomes et régions ainsi que des municipalités de Moscou et de Saint-Pétersbourg ont participé à la cérémonie de signature du document, organisée en grande pompe dans la salle Saint-Georges du Kremlin. Mais le succès de M. Eltsine est fragilisé par les lacunes du traité et la dynamique de la revendication nationaliste.
Le traité, qui comporte huit articles, charge en particulier le pouvoir fédéral d’adopter une nouvelle Constitution, de fixer les limites du territoire de la Russie, d’élaborer la politique extérieure et de défense, d’émettre la monnaie et de diriger les finances. Il reconnaît aux régions une plus grande maîtrise de leur politique économique et de leur administration, jusqu’à récemment étroitement contrôlée par Moscou, et le droit de ” participer indépendamment ” aux relations internationales.
Deux Républiques indépendantistes, le Tatarstan et la Tchétchénie, ont refusé de signer le traité. Les différends avec la troisième République réfractaire, le Bachkortostan (ex-Bachkirie) ont pu être aplanis au dernier moment au prix de laborieuses négociations.
Pendant ce temps, une ” situation explosive “, selon le correspondant de l’agence russe Itar-Tass, se développait à Grozny, capitale de la Tchétchéno-Ingouchie, dans le nord du Caucase.
Un gouvernement tchétchène en exil
Dans la matinée de mardi, un groupe d'” opposants armés ” a pris d’assaut la radio-télévision, cherchant apparemment à renverser le président Djokhar Doudaev. Celui-ci, personnage haut en couleurs, ex-général de l’armée soviétique qui s’est fait élire président en octobre dernier après avoir lui-même renversé l’ancienne direction communiste, est en conflit ouvert avec Moscou, au point que les anciens dirigeants communistes de Tchétchénie ont formé un ” gouvernement en exil ” dans la capitale russe.
Des combats à l’arme automatique ont alors éclaté à Grozny, jusqu’à ce que la garde nationale fidèle au président Doudaev reprenne, dans la soirée, le contrôle de la radio-télévision. Selon l’un des chefs de la garde nationale, les combats ont fait cinq morts dans ses rangs et deux fois plus dans ceux des rebelles, ” qui se sont dispersés dans les rues ” de Grozny alors que se rassemblait une foule de sympathisants du président Doudaev. M. Doudaev a vivement condamné l’action de cette ” opposition “, dont on ignorait toujours mercredi de qui il s’agissait, ” qui a fait couler le sang de nos frères durant le ramadan “. Le pouvoir semblait avoir repris le contrôle de la situation alors que le Parlement tchétchène décrétait l’état d’urgence jusqu’à nouvel ordre. _ (AFP, Reuter, Itar-Tass.)