CONFRONTE désormais aux forces centrifuges dont il avait usé pour accélérer la désintégration de l’ex-URSS, Boris Eltsine cherche à les endiguer. Les représentants de 86 républiques, territoires, régions, districts ont, avec les maires de Moscou et de Saint-Pétersbourg, signé, mardi, dans la grande salle Saint-Georges du Kremlin, le nouveau traité de la Fédération. La Tchétchénie et le Tatarstan, qui ont proclamé leur indépendance, ont refusé d’approuver cet accord. Le Bachkortostan (ex-Bachkirie), qui avait d’abord adopté la même position, s’est finalement joint aux signataires.

Le président russe a ouvert la cérémonie, retransmise en direct par la télévision, soulignant que la Russie était parvenue à un «point critique» et qu’il était indispensable d’éviter la «désintégration» du pays. Une fois le texte signé, Boris Eltsine a ajouté: «Aujourd’hui, nous pouvons dire que la Russie unifiée a existé, existe et existera.» Selon lui, le traité n’est pas destiné à «préserver la Russie à tout prix», mais à accorder des droits, des pouvoirs et des libertés plus étendus aux entités constituant la Fédération.

La veille, à Washington, le conseil d’administration du Fonds monétaire international a examiné le programme de réformes économiques du gouvernement russe. La Russie n’étant pas un des pays membres, le FMI se contentera de donner une «opinion». Si elle est favorable, l’adhésion de Moscou et le versement des prêts seront accélérés.

Le programme russe prévoit une réduction du déficit budgétaire, un renforcement de la politique monétaire, une libéralisation du marché et des prix et une unification progressive des taux de change du rouble. La population russe a déjà subi les effets de cette médication que ses partisans envisagent de renforcer. L’un des plus chauds est un conseiller économique américain d’Eltsine, M. Jeffrey Sachs. Avec un tel parrain, les portes du FMI, sinon celles de l’avenir, sont ouvertes à la Russie.

Pendant que l’on signait à Moscou, des opposants armés à Djokhar Doudaïev s’emparaient des locaux de la radio-télévision de Groznyï, la capitale de la Tchétchénie, république du sud de la Russie, qui se veut indépendante. Le Parlement local a décrété l’état d’urgence. Selon l’agence ITAR-TASS, ces opposants seraient des vétérans d’Afghanistan, recrutés par le président tchétchène, qui auraient changé de bord.

En octobre dernier, lorsque Doudaïev, général d’aviation en retraite, avait été élu au terme d’un scrutin jugé illégal par Moscou, Boris Eltsine avait tenté d’imposer l’état d’urgence. Il avait renoncé devant le risque d’un conflit généralisé au Caucase. On peut se demander si le commando opérant à Groznyï agit de sa propre initiative.

A Saint-Pétersbourg aussi, des tensions se font jour. Le conseil municipal a demandé lundi la démission du maire, Anatoli Sobtchak, qu’il a accusé de «violer la Constitution et les lois de la Russie». Dans une déclaration adoptée à la majorité qualifiée, les conseillers soulignent que le statut du maire de la deuxième ville du pays implique son «appartenance à la direction russe» et lui interdit de «prendre position contre la politique» de ce gouvernement.

Anatoli Sobtchak s’est récemment déclaré opposé au projet de Constitution russe qui doit être examiné par le Parlement à partir du 6 avril. Ses conseillers, manifestement inspirés par la «direction russe», l’ont qualifié, lundi, de «grand politicien aux accents conservateurs». Aux yeux d’Eltsine, le maire de Saint-Pétersbourg apparaît de plus en plus comme un rival possible. Ces passes d’armes préludent-elles à des conflits plus sérieux?

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