Une dizaine de kilomètres seulement séparent Stepanakert, chef-lieu arménien de l’enclave du Haut-Karabakh, de Choucha, la principale localité azérie de l’enclave. Depuis des semaines, les habitants des deux villes passent leurs nuits dans les caves pour se protéger des bombardements croisés, alors que les combattants se disputent les villages des collines avoisinantes. Dimanche 26 janvier, des unités azéries ont tenté de reprendre aux Arméniens le village de Karin-Tak (en azéri, Dachatly), d’où ces derniers pilonnaient Choucha. Plusieurs maisons ont été incendiées, vingt personnes tuées et autant blessées côté arménien, mais les assaillants ont été repoussés, non sans laisser une soixantaine de morts sur le terrain, a affirmé lundi à Moscou un porte-parole de la mission arménienne. A Bakou, le Front populaire (opposition nationaliste) a reconnu, selon l’agence Nega, que vingt-cinq combattants de la nouvelle ” Armée nationale azerbaïdjanaise ” ont péri dans l’attaque, qui aurait été commandée par le ministre de la défense azerbaïdjanais, M. Mekhtiev.
Le bilan de cette nouvelle flambée des combats serait un des plus lourds _ hormis ceux des pogroms menés en Azerbaïdjan _ depuis que les Arméniens, majoritaires dans l’enclave, ont commencé il y a plus de trois ans à réclamer leur rattachement à l’Arménie. Le conflit a déjà fait plus d’un millier de morts. Après l’échec de la tentative de médiation menée en octobre par les présidents de Russie et du Kazakhstan, les combats ont redoublé d’intensité, à la faveur notamment du retrait de la région des troupes du ministère de l’intérieur, décidé par le nouveau pouvoir russe. L’incapacité de la Communauté des Etats indépendants à éteindre le conflit amène les Arméniens du Haut-Karabakh, qui ont proclamé leur indépendance, à réclamer l’intervention de ” casques bleus ” de l’ONU.
Chute de Poti
Les Etats-Unis, qui penchent ouvertement du côté de l’Arménie, poussent la Turquie à exercer une influence modératrice sur l’Azerbaïdjan voisin. Le président azéri, Ayaz Moutalibov, vient de signer un traité de coopération avec Ankara, où il a achevé samedi sa première visite en tant que chef d’un Etat indépendant. Des officiers azéris doivent notamment être formés en Turquie, pour qui l’Azerbaïdjan turcophone est la République ex-soviétique la plus proche, culturellement, de toutes celles qui sollicitent son aide.
En Géorgie, autre ” point chaud ” de Transcaucasie, les forces du nouveau pouvoir, désormais bien armées, sont entrées mardi dans le port de Poti, sur la mer Noire, où les partisans du président renversé Zviad Gamsakhourdia étaient retranchés depuis une semaine, subissant des tirs épisodiques. Selon l’agence Reuter, les forces de M. Iosseliani ont investi la ville sans rencontrer de résistance. Seule la localité de Zougdidi, dans l’ouest du pays, restait aux mains des partisans de M. Gamsakhourdia, qui n’est toujours pas réapparu depuis son retour d’Arménie où il s’était temporairement réfugié. Alors que, selon les rumeurs à Tbilissi, il serait ” malade “, c’est-à-dire psychologiquement abattu, le chef du gouvernement provisoire géorgien, Tenguiz Sigoua, a annoncé lundi qu’il a été transporté à Grozny, capitale de la République tchétchène, sur le versant nord du Caucase, dirigée par son seul allié connu, le général Doudaev. L’avion Tupolev qui l’avait ramené d’Arménie est arrivé lundi, pour des raisons mystérieuses, à Moscou, où son pilote a été arrêté et renvoyé à Tbilissi, malgré les protestations de partisans du président déchu présents à l’aéroport. Mais selon M. Sigoua, M. Gamsakhourdia, accusé d’avoir déposé 2,5 millions de dollars en Hongrie, serait descendu lors d’une escale de l’avion à Grozny. M. Sigoua a aussi annoncé avoir signé un accord économique avec la Russie et s’apprête à négocier avec ses représentants une solution pacifique du conflit opposant Géorgiens et Ossètes, qui s’est quelque peu apaisé depuis la chute de M. Gamsakhourdia, après avoir fait des centaines de morts depuis deux ans.